jeudi 29 décembre 2016

La recevabilité d'une preuve obtenue en violation d'un droit fondamental prévu à la Charte dans le cadre d'une instance administrative répond à la norme de la décision raisonnable

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

En droit administratif, on disait jadis que toute question constitutionnelle ou de Charte entraînait l'application de la norme de la décision correcte. La jurisprudence a cependant évoluée depuis et la réponse n'est plus aussi automatique. La décision rendue par l'Honorable juge Silvana Conte dans l'affaire Syndicat national des employé(e)s de Kronos Canada (CSN) c. Hamelin (2016 QCCS 6082) démontre bien cette réalité. Dans celle-ci, la juge Conte en vient à la conclusion que la recevabilité d'une preuve obtenue en possible violation d'un droit garanti par la Charte est une question mixte de faits et de droit et répond donc à la norme de la décision raisonnable.



Dans cette affaire, la juge Conte est saisie de la demande de révision judiciaire de la décision d'un arbitre de grief qui maintient le congédiement d'un des membres du syndicat requérant.

Comme dans la plupart des affaires de révision judiciaire, la première question qui se pose est celle de la norme de contrôle applicable. Ici, la question est épineuse puisque le syndicat requérant plaide que l'arbitre de grief a eu tort d'accepter des éléments de preuve obtenus suite à une filature de l'employé congédié. Le syndicat fait valoir qu'il s'agit d'une preuve obtenue en violation aux droits fondamentaux garantis par la Charte et qu'elle n'aurait pas due être acceptée. Le syndicat ajoute que cette question répond de la norme de la décision correcte.

La juge Conte fait la revue de la jurisprudence pertinente et note qu'on certain courant penche vers l'application de la norme de la décision correcte, mais que la jurisprudence récente en la matière milite plutôt vers la norme de la décision raisonnable puisqu'il s'agit d'une décision mixte de faits et de droit. C'est donc cette dernière norme qui trouve application selon elle:
[29] Quant à l'appréciation de la preuve par l'arbitre, les parties reconnaissent que la norme applicable en l'espèce est celle de la décision raisonnable. En statuant sur le grief du Syndicat, l'arbitre se trouvait au cœur même de sa compétence spécialisée. L'existence de la clause privative démontre la volonté du législateur que sa décision fasse l’objet de déférence. 
[30] Le débat se situe plutôt au niveau de l'interprétation et de l'application que fait l’arbitre du test élaboré dans l'affaire Bridgestone ainsi que son application de l’article 2858 C.c.Q. puisqu’il existe un courant de jurisprudence voulant que la norme de la décision correcte s’applique aux questions traitant de la recevabilité d’une preuve obtenue en violation d’un droit fondamental prévu à la Charte des droits et libertés de la personne.  
[31] Cependant, récemment, dans l'affaire Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence), la Cour suprême préconise la déférence à l'égard des tribunaux administratifs lorsqu'il s'agit des questions mixtes de fait et de droit : 
I also agree with the Federal Court of Appeal that the standard of review for mixed questions of fact and law and questions of fact is reasonableness. Reasonableness is normally the “governing standard” for questions of fact or mixed fact and law (Smith, at para. 26). In this case, there is nothing to indicate that this presumption should be rebutted.  
[32] De plus, la Cour suprême nous met en garde d'appliquer la norme de la décision correcte chaque fois qu'une question de la Charte est soulevée : 
[48] As LeBel and Cromwell JJ. pointed out in Mowat (at para. 23), however, it is important to resist the temptation to apply the correctness standard to all questions of law of general interest that are brought before the Tribunal:  
There is no doubt that the human rights tribunals are often called upon to address issues of very broad import. But, the same questions may arise before other adjudicative bodies, particularly the courts. In respect of some of these questions, the application of the Dunsmuir standard of review analysis could well lead to the application of the standard of correctness. But, not all questions of general law entrusted to the Tribunal rise to the level of issues of central importance to the legal system or fall outside the adjudicator’s specialized area of expertise. 
[33] En l’instance, les motifs à l'appui du pourvoi en contrôle de justice du Syndicat soulèvent l'application du test élaboré dans l'affaire Bridgestone aux faits en preuve. Dès lors, il s’agit d'une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de la décision raisonnable.
Référence : [2016] ABD 520

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