dimanche 18 décembre 2016

Dimanches rétro: dans un recours en diffamation, tout est une question de contexte

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La nature diffamatoire (ou pas) de propos dépend d'abord et avant tout de l'impression qu'ils laissent chez les autres. En effet, le préjudice que cherche à compenser le recours en diffamation est la perte d'estime aux yeux des autres. C'est pourquoi on ne peut s'arrêter à un mot, une expression, une phrase ou un paragraphe en particulier, mais qu'il faut plutôt regarder l'ensemble des propos pour en faire l'analyse. C'est ce que nous enseignait la Cour d'appel dans l'affaire Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (2009 QCCA 2201, requête pour permission d'en appeler à la Cour suprême rejetée par 2011 CanLII 12174).



Je vous épargne la trame factuelle de l'affaire puisqu'elle importe peu pour l'essence de notre propos. Retenant simplement que les Intimés ont intenté un recours en diffamation contre les Appelants et eu gain de cause en première instance relativement à des propos tenus sur les ondes de la station de radio CHOI-FM.

Rendant jugement au nom de la majorité de la formation de la Cour (l'Honorable juge Nicole Duval-Hesler écrivant une opinion séparée), l'Honorable juge Pierre J. Dalphond rappelle l'importance capitale du contexte en matière de diffamation. Ainsi, il souligne qu'il n'est pas approprié d'isoler des propos, mais qu'il faut plutôt en juger dans leur ensemble:
[38] Par ailleurs, comme le mentionne le juge Senécal, cité avec approbation par la Cour suprême dans Prud'homme, l'analyse des propos reprochés doit se faire dans la globalité de l'émission où ils ont été exprimés et non en examinant des phrases, chirurgicalement extraites de l'ensemble, comme l’ont fait les intimés tant devant nous que devant le juge de première instance. De même, il faut tenir compte de l’occasion qui suscite le commentaire. Bref, il faut tenir compte de tout le contexte entourant la tenue des propos pour déterminer s'ils constituent une faute : Hill c. Église de Scientologie de Toronto, 1995 CanLII 59 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 1130, p. 1141; Société St-Jean-Baptiste de Montréal,  précité, paragr. 11. Ce principe a été ignoré par le premier, ce qui constitue une erreur de droit, ceci dit avec égards. Quant à la finalité de cette analyse contextuelle, il faut rappeler que la Cour a déclaré dans l’arrêt Société St-Jean-Baptiste que « les tribunaux ne sont pas arbitres en matière de courtoisie, de politesse et de bon goût » (paragr. 27), un principe ignoré par le premier juge en raison de son désaccord avec cet arrêt.
Référence : [2016] ABD Rétro 51

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