dimanche 28 août 2016

NéoPro: attention à certaines nouvelles règles en appel (qui sont très loin d'alléger le fardeau financier du justiciable...)

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'intention du législateur dans presque toute réforme de la procédure civile est l'amélioration de l'accès à la justice (et implicitement la réduction des coûts de la justice). Du moins c'est ce que nous devons comprendre, parce que cela ne se reflète pas toujours dans la législation ou les règlements adoptés. C'est le cas pour plusieurs nouvelles règles en appel qui sont beaucoup plus onéreuses pour les justiciables.



D'abord, le positif. Les requêtes pour permission d'en appeler et les déclarations d'appel (l'ancienne inscription en appel) sont maintenant limitées à 10 pages. Il s'agit d'une excellente initiative puisque la longueur de certaines requêtes et déclarations antérieurement au 1er janvier 2016 en faisaient véritablement des mémoires d'appel.

Ce sont les articles 27 et 59 du Règlement de procédure civile (Cour d'appel) qui s'appliquent à cet égard. 

Pour le beaucoup moins bon maintenant.

D'abord, la partie qui dépose une requête pour permission d'en appeler doit joindre à celle-ci une déclaration d'appel. Pourquoi obliger une partie qui ne sait pas encore si elle obtiendra la permission d'en appeler de déposer immédiatement une déclaration d'appel (ou simplement considérer la requête pour permission à titre de déclaration d'appel), je n'en sais absolument rien.

C'est l'article 357 du nouveau Code qui prévoit cette obligation:
357. La demande pour permission d’appeler, lorsqu’elle est requise, est jointe à la déclaration d’appel, appuyée du jugement et des pièces et des éléments de preuve nécessaires à l’obtention de la permission. Elle est présentée sans délai et contestée oralement devant un juge d’appel qui en décide. Le greffier transmet sans délai le jugement au greffe de première instance, de même qu’aux parties.

Si la permission d’appeler est accordée, la déclaration est réputée faite au jour du jugement qui l’autorise. Si elle est refusée, le jugement doit être motivé sommairement et la Cour d’appel est dessaisie.

Si la permission d’appeler n’était pas requise et que l’appel pouvait être formé par le seul dépôt d’une déclaration d’appel, celle-ci est réputée faite à la date où le juge prend acte de son dépôt.

L’appelant dispose d’un délai de 15 jours depuis le jugement qui accueille la demande pour permission d’appeler ou de la date où le juge prend acte du dépôt de la déclaration d’appel pour déposer l’attestation concernant la transcription des dépositions au greffe du tribunal et en notifier l’autre partie.
Finalement, la déclaration d'appel et la requête pour permission d'en appeler doivent être signifiées aux parties, et ce même si ces parties sont déjà représentées par avocats. Pourquoi? Encore une fois, absolument aucune idée. On dirait presque que l'on veut décourager les parties d'aller en appel...

Ce sont les articles 139 et 140 C.p.c. qui prévoient la nécessité de signifier:
139. La demande introductive d’instance est signifiée par huissier. Il en est de même des actes pour lesquels le Code ou une autre loi prévoit la signification.  
Sont notamment signifiés: 
1° la citation à comparaître adressée à un témoin;
2° la demande reconventionnelle ou l’acte d’intervention;
3° la mise en demeure de procéder à un bornage;
4° le jugement prononçant une injonction ou comportant un autre ordre de faire ou de ne pas faire;
5° la déclaration d’appel, la demande pour obtenir la permission d’appeler et le pourvoi en rétractation de jugement;
6° en matière d’exécution, l’avis d’exécution, l’opposition à la saisie ou à la vente ou la demande d’annulation de l’une ou de l’autre.
Cependant, la demande qui met en cause le curateur public, le directeur de l’état civil, l’officier de la publicité foncière, l’officier de la publicité des droits personnels et réels mobiliers ou l’Agence du revenu du Québec peut leur être notifiée par un autre mode que la signification. Il en est de même des demandes et autres actes de procédure visés au titre II du livre VI.

140. La demande introductive d’instance doit être signifiée au défendeur et aux autres parties. Elle n’est valablement signifiée que si elle est certifiée conforme au document déposé au greffe par la partie qui la signifie, par son avocat ou par l’huissier. 
Les autres actes de procédure d’une partie sont notifiés aux avocats ou, selon le cas, aux notaires des autres parties ou aux parties elles-mêmes si elles ne sont pas ainsi représentées. Ces actes peuvent être certifiés conformes sur demande.  
Si un acte n’est pas conforme à celui déposé au greffe, l’expéditeur peut notifier un nouvel acte, avec ou sans la permission du tribunal selon que la partie qui l’a reçu y a déjà répondu ou non.
Ainsi, si l'objectif était d'améliorer l'accessibilité à la justice et réduire les coûts, le législateur est passé complètement "à côté de la track" en matière d'appel. Ceci étant dit, l'on soupçonne que le véritable objectif est de décourager les appels.

Le tout étant dit, soyez vigilants à l'égard de ces nouvelles règles.

Référence : [2016] ABD NéoPro 35

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