Renno Vathilakis Inc.
L'article 1871 C.c.Q. prévoit que le locateur commercial qui refuse de consentir à une sous-location doit avoir des motifs sérieux de le faire. L'exemple classique a trait au sous-locataire dont la situation financière serait précaire, rendant le refus du locateur tout à fait raisonnable. Or, dans l'affaire Goodarzi c. 9268-2798 Québec inc. (2016 QCCS 3926), l'Honorable juge Christiane Alary indique que le refus du locataire de fournir des informations suffisantes à propos du sous-locataire proposé est également un motif sérieux de refus.
Dans cette affaire, le Demandeur intente des procédures en résiliation de bail et dommages contre les Défendeurs alléguant que ces derniers ont quitté les lieux sans payer le loyer en vertu d'un bail commercial.
Les Défendeurs rétorquent qu'ils étaient justifiés d'abandonner les lieux puisque le Demandeur a refusé sans motif valable la sous-location des lieux.
À cet égard, le Demandeur plaide avoir refusé la sous-location parce que les Défendeurs - contrairement à leurs promesses répétées - ont fait défaut de fournir les informations demandées à propos du sous-locataire proposé.
Après analyse des faits et du droit applicable, la juge Alary en vient à la conclusion que le Demandeur était justifié dans son refus puisque le défaut de fournir les informations pertinentes sur le sous-locataire proposé est un motif sérieux de refus:
[43] Le fardeau de démontrer que l’autorisation de sous-louer a été refusée pour un motif sérieux appartient au Locateur.
[44] Dans le Traité de droit civil relatif au louage, le professeur Pierre-Gabriel Jobin écrit que la jurisprudence offre de nombreux exemples de motifs sérieux pour refuser une sous-location, notamment l’insolvabilité du sous-locataire proposé ou son incapacité financière à payer le loyer :
La jurisprudence offre de nombreux exemples de motifs raisonnables ou sérieux pour refuser la cession ou la sous-location. Le cas le plus fréquent est celui de l’insolvabilité du cessionnaire ou sous-locataire proposé, ou simplement son incapacité financière en rapport avec le montant du loyer. On trouve aussi les cas suivants : le refus du cessionnaire ou sous-locataire de souscrire aux termes du bail principal, le changement de destination des lieux qui impliquerait la cession ou la sous-location proposée, la négligence ou le refus du locataire, du cessionnaire ou sous-locataire de fournir au locateur des renseignements indispensables permettant de le connaître suffisamment, (…).
(Le Tribunal souligne)
[45] En principe, avant de consentir à une sous-location, le Locateur a le droit d’obtenir des renseignements lui permettant de donner un consentement éclairé. Certes, il est reconnu que le Locateur peut se montrer plus exigeant face à une cession qu’à une sous-location, puisque le cessionnaire est substitué au locataire contrairement au cas de la sous-location :
La sous-location implique, quant à elle, un nouveau contrat entre le locataire et un tiers. Les incidences financières sont sans doute moins importantes puisque le premier locataire demeure toujours responsable du bail.
(Le Tribunal souligne)
[46] Il n’en demeure pas moins que le Locateur a le droit de demander des informations raisonnables sur le sous-locataire qui occupera désormais les lieux loués. Comme l’écrit l’auteur Denis Paquin :
Le bailleur est en droit de demander, outre les informations prévues au Code civil (les noms et adresse) des informations sur la situation financière du cessionnaire ou du sous-locataire. (…) il pourra également demander de l’information pour se satisfaire de l’expertise et de la performance du tiers tant dans les affaires en général qu’en regard de l’usage prévu au bail. Ceci couvre par exemple le nombre d’années d’expérience et la réputation tant personnelle que professionnelle.
(Le Tribunal souligne)
[47] Or, le Tribunal croit le Locateur lorsqu’il affirme avoir remis à deux reprises aux Défendeurs un formulaire de demande de renseignements sur le sous-locataire et que ceux-ci ont déclaré qu’ils allaient obtenir lesdits renseignements.
[48] De plus, le Tribunal croit le Locateur quand il déclare que chaque fois qu’il demandait aux Défendeurs si M. Khalfi était en mesure d’exploiter le commerce avec succès, ceux-ci répondaient par l’affirmative, sans jamais toutefois fournir les renseignements demandés sur la solvabilité de M. Khalfi ou sur ses qualifications en tant que gestionnaire.
[...]
[53] De plus, à l’exception peut-être du numéro de compte de banque, il n’apparaît pas déraisonnable qu’un Locateur veuille connaître le salaire de son sous-locataire potentiel et s’il dispose d’actifs, lui permettant ainsi d’obtenir le financement nécessaire pour exploiter le commerce et de payer le loyer.
[54] Dans les circonstances, il apparaît raisonnable que le Locateur ait désiré obtenir plus de renseignements sur M. Khalfi et sa solvabilité, renseignements que les Défendeurs s’étaient engagés à fournir. Certes les Défendeurs demeuraient liés par le bail, mais s’ils désiraient sous-louer, c’était justement parce qu’ils n’étaient pas en mesure de continuer à payer le loyer.
[...]
Référence : [2016] ABD 339[57] Dans les circonstances du présent dossier, le Tribunal est d’avis que, compte tenu des réticences des Défendeurs à fournir les renseignements demandés, le Locateur avait des motifs sérieux pour refuser la sous-location des lieux.
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