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Le cadre d'application des anciens articles 54.1 et suivants (maintenant 51 C.p.c. et suivants) pose encore certains problèmes plusieurs années après l'entrée en vigueur des dispositions. Dans Pyrioux inc. c. 9251-7796 Québec inc. (2016 QCCA 651), la Cour d'appel remet les pendules à l'heure et rappelle que seuls les cas manifestes justifient le rejet préliminaire d'une procédure.
Dans cette affaire, l’Appelante se pourvoit contre un jugement de première instance qui a accueilli la requête de l’Intimée en déclaration d’abus de procédure, ordonne la radiation de l’avis de préinscription inscrit par l’Appelant sur le lot 5 607 860 du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Terrebonne, et condamne cette dernière à payer à l’Intimée 10 000 $ pour tenir lieu des honoraires et frais de ses avocats et de son expert.
L'Appelant fait valoir que la juge de première instance a erré en se penchant véritablement sur le fond du litige, au lieu de procéder à une analyse sommaire comme le commandent les articles 54.1 C.p.c. et suivants.
Au nom d'une formation unanime de la Cour, l'Honorable juge Jacques Dufresne en vient à la conclusion que l'appel doit être accueilli.
Après une analyse vraiment remarquable de la jurisprudence sur la question, le juge Dufresne souligne que le mécanisme de l'abus (anciennement 54.1 et suivant, maintenant 51 et suivants) ne doit être utilisé de manière préliminaire que dans les cas manifestes. Autrement, c'est à travers une gestion de l'instance serrée qu'il faut se diriger:
[35] Bref, à moins qu’un examen sommaire de la preuve ne permette de constater que l’acte de procédure ou la demande en justice est frivole, dilatoire, manifestement mal fondé ou que l’utilisation de la procédure est déraisonnable ou excessive, la requête en vertu de l’article 54.1 a. C.p.c. ne peut réussir. Le remède qui s’offre à la partie qui subit ou croit subir les contretemps d’une demande en justice pendante est d’accélérer la mise en état du dossier par une gestion serrée, par un juge, si nécessaire. Et vite au fond, pour reprendre l’adage bien connu.
[36] Cela dit, le rejet de la requête de l’intimée ne met pas l’appelante à l’abri d’une condamnation pour abus de procédure en vertu de l’article 51 du nouveau Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2016. En effet, les conclusions de la défense de l’intimée reprennent les conclusions de sa requête présentée en cours d’instance. Le débat sur l’abus de procédure n’est donc pas clos.
[37] Chose certaine, le juge du fond sera mieux placé pour décider, une fois les questions de fond tranchées (l’enclavement et, si oui, la désignation de l’assiette du droit de passage), si la demande de l’appelante constitue un abus de procédure.
[38] D’ailleurs, c’est davantage la demande de reconnaissance du droit de passage que l’avis de préinscription sur un lot donné qui impose des contraintes à l’intimée. En effet, même en l’absence d’une préinscription sur le lot visé, le propriétaire de celui-ci ne peut en pratique offrir, pendant l’instance, ce lot en vente sans dénoncer à l’acheteur intéressé la demande en justice pendante susceptible d’éventuellement l’affecter. En ce sens, l’absence de préinscription ne relèverait pas le propriétaire du lot de son obligation de prévenir un éventuel acheteur de la possibilité de la reconnaissance d’un droit de passage sur ce lot. La transparence s’impose de toute manière à lui.
[39] En résumé, l’intimée a fait appel à mauvais escient au pouvoir du tribunal de sanctionner les abus de procédure conformément à l’article 54.1 a.C.p.c. En l’espèce, les conditions d’application de cette disposition ne sont pas satisfaites.
J'ai peine à imaginer comment les principes pourraient être mieux exposés. Une excellente décision selon moi.
Référence : [2016] ABD 158
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