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L’importance des conclusions recherchées dans un acte de procédure n’est pas à sous-estimer. Sauf quelques exceptions, dont en droit de la famille, le tribunal est strictement lié par les conclusions formulées par les parties. Quelle est donc la portée d’une conclusion ou allégation générale du type « rendre toute ordonnance jugée appropriée »? La Cour d’appel du Québec a donné la réponse à cette question dans l’arrêt Domtar Inc. c. Lord (2000 CanLII 17191) [demande d’autorisation d’appel rejetée par la Cour suprême le 15 mars 2001, dossier 28074].
Le banc de la Cour –formé des juges Baudouin, Proulx et Otis, jj.c.a.– était saisi de l’appel d’un jugement ayant prononcée l’inopérabilité d’une disposition législative provinciale, mais ayant réservé sa décision sur la requête en ordonnance de sauvegarde.
La Cour a donné raison aux appelants, lesquels alléguaient que le juge d’instance avait décidé ultra petita, contrevenant ainsi à l’article 468 C.p.c. (désormais l’article 10 du Code de procédure civile, RLRQ, c. 25.01) :
[9] Sur le premier motif, la lecture combinée de la requête en ordonnance de sauvegarde et du dispositif du jugement attaqué révèle que la Cour supérieure a effectivement jugé ultra petita, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 468 C.p.c. La Cour a, en effet, d'un côté réservé sa décision sur l'ordonnance de sauvegarde qui lui était demandée et de l'autre, du même coup, a déclaré inopérant le régime légal prévu pour l'évaluation de l'aménagement forestier et invalidé l'article 144 de la Loi sur la qualité de l'environnement;
La Cour a ensuite précisé que le juge d’instance ne pouvait, ni la base d’une allégation ou conclusion générale, ni sur la base des pouvoirs judiciaires codifiés ou inhérents, rendre une ordonnance qui se démarquait complètement des conclusions principales formulées par les parties :
[10] Le seul fait que la requête en ordonnance de sauvegarde contenait une allégation générale (…«any other order this Court may deem appropriate»…) ne pouvait autoriser la Cour, ni en vertu de son pouvoir de sauvegarde (art. 754.2 C.p.c.), ni en vertu de son pouvoir inhérent (art. 2, 20, 46 C.p.c.) à rendre une ordonnance qui se démarquait complètement des conclusions principales demandées;
Détail intéressant, le vocabulaire de l’article 754.2 C.p.c. en vigueur à l’époque (« rend toutes les ordonnances nécessaires à la sauvegarde des droits des parties pour le temps et aux conditions qu'il détermine ») ressemble largement à celui de la conclusion ou allégation générale du type « rendre toute ordonnance jugée appropriée ».
Somme toute, une conclusion ou allégation générale ce de type ne permet pas au tribunal de suppléer au défaut des parties de formuler les conclusions particulières qui s’imposent.
Référence : [2016] ABD Rétro 16
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