lundi 4 janvier 2016

Les critères relatifs au sursis de l'application d'une loi

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Si vous lisez assidument ce blogue, vous connaissez bien ma prédilection pour les décisions qui résument bien un point de droit. C'est pourquoi j'attire aujourd'hui votre attention sur la décision rendue par l'Honorable juge Daniel Dumais dans 2431-9006 Québec inc. (Alma Toyota) c. Québec (Procureure générale) (2015 QCCS 6118), dans laquelle il résume bien les critères relatifs à l'obtention du sursis de l'application d'une loi dans le contexte d'une contestation constitutionnelle.



Dans cette affaire, les Demanderesses attaquent la constitutionnalité et la validité de la Loi portant sur le règlement de certains différends dans le secteur de l'automobile de la région du Saguenay-Lac-St-Jean.   

Cette loi a été adoptée dans le contexte d'un conflit de travail qui perdure au Saguenay-Lac-St-Jean depuis bientôt trois (3) ans et elle vise à mettre fin au conflit en cours et à mettre en place un processus de conciliation et d'arbitrage qui permette un règlement à brève échéance et le renouvellement des conventions collectives. Il est prévu que les droits de lock-out et de grève sont interdits à compter de la date fixée pour le retour au travail.

Par requête pour ordonnance de sursis, les Demanderesses requièrent la suspension de l’application de la loi, et ce, jusqu’à ce qu’un jugement final intervienne sur leur requête introductive d’instance en jugement déclaratoire.

Le juge Dumais est saisi de cette requête. Il rappelle d'entrée de jeu les critères qui doivent guider la Cour dans le cadre d'une demande de sursis:
[30]        L'octroi d'un sursis relève du pouvoir discrétionnaire du Tribunal dont les modalités d’exercice sont maintenant bien établies. D'ailleurs, à l'audience, toutes les parties se sont entendues sur les critères à considérer. 
[31]        Pour obtenir gain de cause sur leur demande de sursis, les demanderesses doivent convaincre le Tribunal : 
1)   qu’elles ont une question sérieuse à juger, ce qui est le test requis au niveau de l'apparence de droit;  
2)   qu’elles sont exposées à un préjudice irréparable advenant que la Loi soit ultérieurement annulée;  
3)   et, que la balance des inconvénients joue en leur faveur. À ce niveau, la Loi est présumée valide lorsque d'intérêt public. 
[32]        Dans un jugement rendu en 2012 et concernant une demande de sursis de la loi spéciale adoptée par l'Assemblée nationale du Québec lors des événements du «printemps érable», M. le juge en chef Rolland référait aux critères ci-haut indiqués comme l'ont fait plusieurs autres jugements prononcés antérieurement Il les résumait ainsi: 
« [66]   Tel que mentionné, pour octroyer la mesure exceptionnelle que constitue la suspension d'une loi, le tribunal doit être convaincu que les critères définis par la Cour suprême du Canada sont remplis: soit la démonstration par les demandeurs; a) d'une question sérieuse ou d'une apparence de droit suffisante et non frivole; b) d'un préjudice irréparable et; c) de la prépondérance des inconvénients favorisant les demandeurs, en tenant compte de l'intérêt public. » 
[33]        Ce sont donc ces éléments que le Tribunal analysera tout en rappelant qu'il ne s'agit pas de décider de façon finale de la demande d'annulation puisque c'est le juge du procès qui en disposera. Il convient aussi de rappeler que ce sont sur les demanderesses, celles qui ont initié la requête, que repose le fardeau de la preuve.
Référence : [2016] ABD 3

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