dimanche 3 janvier 2016

Dimanches rétro: les enseignements de la Cour suprême sur la transmission forcée d'un droit de superficie

Renno Vathilakis Inc.

Nous revenons assez loin dans le temps aujourd'hui pour traiter de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Tremblay v. Guay ([1929] SCR 29). Dans celle-ci, la Cour devait traiter de l'épineuse question de savoir si la personne qui acquérait de manière forcée un immeuble construit sur la propriété d'une tierce partie bénéficiait des droits de superficie.



La trame factuelle de l'affaire est particulière.

Le gendre de l'Intimée - un homme du nom d'Hector Potvin - désirait construire une résidence au village de la rivière du Moulin. Il a débuté des négociations avec les propriétaires d'un terrain dans ce village et il a commencé la construction de sa maison avant même de conclure la transaction. Malheureusement, cette transaction tombe à l'eau.

C’est alors que l’Intimée, pour aider ses enfants, acheta le terrain où se trouvait la construction. Potvin compléta ensuite la construction de sa maison avec le consentement de l'Intimée.

Après l’érection de la maison, un créancier de Potvin obtint un jugement contre ce dernier et fit saisir la maison. Suite à cette saisie, une vente en justice de la maison a lieu et l'Appelant s'en porte acquéreur.

L'Intimée dépose ensuite des procédures pour être déclarée propriétaire de celle-ci puisqu'elle se situe sur son terrain. La Cour du Banc du Roi lui donne raison, d'où le pourvoi à la Cour suprême.

L'Honorable juge Mignault, au nom d'une Cour unanime, en vient à la conclusion que cette décision doit être renversée. En effet, il est clair pour lui que l'Intimée a accordé un droit de superficie à M. Potvin, droit que l'Appelant a maintenant le droit d'exercer:
Je ne puis accepter ce motif. Ces articles, à mon avis, ne sont pas applicables à l’espèce. Notamment l’appelant n’est pas un possesseur de mauvaise foi au sens de l’article 412 C.C. Le titre en vertu duquel il possède la maison est la vente du shérif faite conformément au jugement du juge Tessier. Le titre de Potvin à la propriété de la maison était l’autorisation de bâtir qu’il a obtenue de l’intimée, ainsi que la construction à ses dépens de cette maison. On ne peut dire que ces titres soient des titres vicieux. Ce sont, au contraire, des titres valables, et reconnus tels par le jugement sur l’opposition, susceptibles de conférer à celui qui en est investi un droit immobilier de la nature d’un droit de superficie. Voyez la définition du droit de superficie qui consiste à avoir la propriété des édifices ou plantations reposant sur un terrain qui appartient à autrui. Fuzier-Herman, Répertoire, vo. Superficie, n° 1. 
Les articles 412 et 417 C.C. sont hors de cause. 
Je puis sur ce point citer Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Biens, n° 372: 
L’art. 555 statue en vue de constructions faites à l’insu du propriétaire du terrain. Si les constructions ont été faites à sa connaissance et surtout avec son autorisation, il ne pourra pas les revendiquer comme lui appartenant, ni forcer le constructeur à les démolir. Il intervient, en pareil cas, entre le propriétaire du terrain et le constructeur un contrat sui generis, en vertu duquel le propriétaire du sol autorise le constructeur à jouir des constructions pendant un certain temps, autant qu’elles dureront. Il y a création au profit du constructeur d’une sorte de droit de superficie. 
Toute doute qu’il aurait pu y avoir sur la question de savoir si l’autorisation de bâtir que l’intimée a donnée à Potvin a été inspirée par une pensée de simple tolérance, soit à raison des liens de famille qui l’unissaient à lui, soit parce qu’elle espérait qu’il pourrait acheter d’elle et lui payer l’emplacement occupé par sa maison,—se trouve écarté dans l’espèce par suite du jugement sur l’opposition de l’intimée à la saisie pratiquée contre Potvin. Il n’est pas nécessaire d’envisager ce jugement comme formant chose jugée—car cette prétention n’a pas été formulée par l’appelant—mais on peut au moins dire que c’est un titre à la propriété de la maison. En d’autres termes, le jugement reconnaît à Potvin la propriété de la maison qu’il a bâtie. Le droit ainsi constaté au benefice de Potvin profite à l’appelant, son ayant cause, tant en raison du principe que l’ayant cause jouit de tous les droits et actions que son auteur avait acquis dans l’intérêt de la chose à laquelle il a succédé (Aubry et Rau, 5e éd., tome 2, p. 97), qu’en vertu de la règle formelle de l’article 780 C.P.C. Il s’ensuit que l’appelant est propriétaire de cette maison, ce qui ne doit pas s’entendre simplement des matériaux qui sont entrés dans sa construction, mais de la maison elle-même, comme maison, c’est-à-dire comme immeuble par sa nature.
Référence : [2016] ABD Rétro 1

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