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Nous avons attiré votre attention à multiples reprises sur le principe voulant que ce n'est que dans les cas les plus manifestes qu'une expertise sera rejetée au stade préliminaire. Or, comme le souligne l'Honorable juge Claudine Roy dans l'affaire Riendeau c. Brault & Martineau Inc. (2005 CanLII 27358), ce principe s'applique même lorsque le juge saisi du moyen préliminaire sera le juge saisi du procès.
Dans cette affaire, la juge Roy est saisie d'un recours collectif déjà autorisé. Dans le cadre de celui-ci, le représentant allègue que certaines publicités de l'Intimée ne respectent pas les prescriptions de la Loi sur la protection du consommateur concernant la divulgation des frais de crédit. Plus spécifiquement, il plaide que l'Intimée ne divulgue pas les frais qu’elle paie à son fournisseur de services lorsqu’un consommateur se prévaut de l’option d’achat de biens par paiements différés.
À l'appui de sa contestation, l'Intimée depose une expertise préparée par un comptable. Cette expertise traite ce qui constitue un frais de crédit et fait l'analyse des frais assumés par l'Intimée.
Le représentant demande le rejet de ce rapport au motif qu’il s’agit d’une opinion juridique.
La juge Roy rejette la demande préliminaire du représentant en citant les principes de prudence applicable en la matière. Elle ajoute que le fait qu'elle est également saisie du fond du litige ne change en rien l'analyse applicable:
[6] La jurisprudence rappelle que, généralement, le juge du fond est mieux placé pour décider de la recevabilité et de la force probante que l’on doit accorder à un rapport d’expert. Par contre, un jugement interlocutoire peut rejeter un rapport d’expert quand l’inadmissibilité de celui-ci est évidente.
[7] Le Tribunal est d’avis qu’en l’espèce, l’inadmissibilité du rapport de l’expert n’est pas évidente.
[8] Certes, il est exact d’affirmer que l’expert s’aventure au-delà de son champ d’expertise en comptabilité lorsqu’il conclut, à propos des frais payés par Brault & Martineau à un fournisseur de services lors d’achat de biens par paiements différés, qu’« [i]l ne s’agit donc pas d’un frais de crédit au sens de la LPC ».
[9] L’expert est comptable et non juriste. Il n’est pas donc pas habilité à donner une expertise sur une question de droit. De plus, le rôle d’un témoin expert est d’aider le juge à comprendre une situation de fait et non à donner son avis sur une question de droit. Il appartiendra au juge du fond de déterminer si les frais en question sont des frais de crédit au sens de la LPC. Il s’agit d’une des questions en litige.
[10] Le Tribunal ne saurait par conséquent tenir compte de cette phrase de l’expertise.
[11] Par ailleurs, le rapport fait état de l’opinion de l’expert sur la qualification de ces frais au plan comptable. Il estime qu’il s’agit de frais de vente et non de frais de crédit.
[12] Le jugement au mérite devra interpréter les dispositions de la LPC qui définissent les « frais de crédit ». L’éclairage des sciences comptables pourrait alors s’avérer pertinent.
[13] Tout en reconnaissant l’admissibilité de l’expertise, le Tribunal considère qu’il serait prématuré de statuer dès à présent sur sa pertinence et sa force probante.
Référence : [2015] ABD Expert 45[14] Même si c’est la soussignée qui entendra également le fond du litige, le Tribunal n’a pas encore entendu la preuve et l’argumentation et n’est pas en mesure, pour le moment, de déterminer l’utilité d’une expertise tendant à qualifier les frais en question comme étant des frais de crédit au sens comptable alors que la LPC contient une définition des « frais de crédit ».
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