Renno Vathilakis Inc.
Nous avons déjà discuté du fait qu'une faute contractuelle peut constituer une faute extracontractuelle à l'encontre d'une autre partie. La décision de la Cour suprême dans l'affaire Bail est une très belle illustration de cette réalité. Ainsi, dans l'affaire Camions Sterling de Lévis inc. c. Camions Daimler Trucks Canada ltée (2015 QCCS 4905), l'Honorable juge Marc St-Pierre indique qu'un manquement contractuel au devoir d'information peut constituer une faute extracontractuelle envers l'actionnaire de la partie co-contractante.
Dans cette affaire, les Demandeurs intentent une action en dommages résultant de la résiliation par la Défenderesse d'une convention de concession pour les pièces et le service des camions de marque Sterling dont la Défenderesse avait interrompu la fabrication quelque deux années auparavant.
Deux des Demandeurs sont des actionnaires de la concessionaire et réclament des dommages résultant de cette résiliation.
La Défenderesse conteste ce recours et indique - parmi ses moyens de défense - que les deux Demandeurs actionnaires n'ont pas de lien de droit à son égard.
Les Demandeurs rétorquent que leur recours personnels sont fondés sur le devoir de bonne foi de la Défenderesse, et plus spécifiquement sur son manquement à son devoir d'information en l'instance. Ainsi, ils font valoir que le manquement par la Défenderesse à son devoir d'information envers sa partie co-contractante constitue également - à leur égard - une faute extracontractuelle.
Le juge St-Pierre rejette le moyen de défense de la Défenderesse à cet égard et souligne qu'un manquement contractuel au devoir d'information peut également engendrer une responsabilité excontractuelle envers de tierce parties au contrat:
[50] Les demandeurs Centre d’auto St-Nicolas inc. et M. Pierre Corriveau assoient leurs prétentions sur l’article 1375 C.c.Q. qui prévoit que la bonne foi doit gouverner la conduite des parties tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.
[51] Cependant, contrairement à l’auteur Vincent Karim dans son ouvrage Les obligations, je ne suis pas d’avis pour ma part que cette disposition s’applique au bénéfice de tiers en dehors du contexte contractuel.
[52] Néanmoins, je ne crois pas que cette distinction fasse une grande différence en l’espèce puisque toute personne peut engager sa responsabilité par sa faute en cas de défaut de respect des règles de conduite qui s’imposent à elle de manière à ne pas causer de préjudice à autrui tel que le prévoit l’article 1457 C.c.Q.
[53] Cette disposition (i.e. son ancêtre : 1053 C.c.B.C.) a d’ailleurs été appliquée par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Banque de Montréal c. Bail Ltée lorsque le Juge Gonthier écrit pour le banc que les parties à un contrat sont responsables des dommages qu’elles peuvent causer à des tiers dans le cadre de leur relation contractuelle par leur manquement à la norme de conduite raisonnable.
[54] Il s’agissait précisément d’ailleurs dans cette affaire de l’obligation de renseignement d’une partie à un contrat de construction – le maître de l’ouvrage - d’un poste électrique, à l’endroit d’un tiers, un sous-traitant, et non pas à l’endroit de son cocontractant, l’entrepreneur.
[55] Je crois donc, contrairement à la défenderesse, que les demandeurs Centre de l’auto St-Nicolas inc. et M. Pierre Corriveau ont l’intérêt légal pour poursuivre la défenderesse dans la mesure où ils peuvent prouver qu’ils ont subi un préjudice imputable à une faute de la part de cette dernière.
Référence : [2015] ABD 426[56] La question est donc de savoir si Mme Antoinette Hayward, responsable des relations avec les concessionnaires pour la défenderesse, a commis une faute en omettant d’informer M. Pierre Corriveau de la possibilité de résiliation à court terme de la concession lorsque ce dernier a communiqué avec elle en fin juillet début août 2010 au sujet du changement dans la propriété du concessionnaire Camions Sterling de Lévis inc.
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