mercredi 28 octobre 2015

L'importance de distinguer la cause d'action de l'actionnaire et de sa compagnie

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Vous savez chers lecteurs que le voile corporatif et sa levée sont des sujets qui m'intéressent beaucoup. Je suis particulièrement friand des décisions qui rappellent qu'on ne peut tantôt se prévaloir des avantages de l'incorporation et en faire fi à d'autres moments. L'affaire Great Northern Products Ltd. c. Grand Nord Canada inc. (2015 QCCS 4944) est une de ces décisions.



Dans cette affaire, l'Honorable juge Louis Dionne est saisi d’une requête introductive d’instance dans laquelle de la Défenderesse la somme de 223 052,47 $. La Demanderesse allègue qu'il s'agit d'une avance de l'actionnaire, alors que la Défenderesse prétend qu’il ne s’agit pas d’avances d’un actionnaire, mais plutôt de commissions ou de redevances qui lui étaient dues.

Un des moyens de défense mis de l'avant par la Défenderesse est que la Demanderesse n'a pas l'intérêt pour agir puisque c'est son actionnaire - et non pas elle - qui a effectué les supposées avances.

Après analyse, le juge Dionne donne raison à la Défenderesse:
[42]        La preuve révèle que Nolan admet avoir mis son argent dans GNC pour en assurer le démarrage, qu’il a donné les sommes à titre d’avances et qu’il ignore quelle permission il doit obtenir pour transférer son propre argent. 
[43]        Dans l’arrêt Kosmopoulos, le juge Wilson rappelle qu’en général une société est une entité distincte de ses actionnaires. Il ajoute que si l’on décide de faire abstraction de la personnalité morale, il pourrait surgir une distinction très arbitraire et indéfendable entre les sociétés ayant plus d’un actionnaire et celles qui comptent un seul actionnaire. 
[44]        Dans l’affaire Charron, l’honorable Sophie Picard, j.c.s., mentionne ce qui suit :  
[50]      [...] En effet, une compagnie constitue une personne distincte de ses actionnaires (articles 303 et 309 C.c.Q.). Ainsi, l'actionnaire ne peut intenter en son nom un recours qui appartient uniquement à la compagnie.  
[51]            La demande en justice de l'actionnaire relativement à une réclamation appartenant à la compagnie est habituellement déclarée irrecevable, compte tenu de l'interdiction de plaider au nom d'autrui prévue aux articles 55 et 59 C.p.c., dispositions d'ordre public.  
[52]            À la lumière de la jurisprudence, l'intérêt suffisant de celui qui forme une demande en justice (art. 55 C.p.c.) doit être né et actuel ainsi que direct et personnel. Ainsi, en général, l'actionnaire ne peut faire valoir des moyens que seule la compagnie peut plaider.  
(Références omises) 
[45]        C’est donc dire que si les prétentions de l’actionnaire Nolan sont exactes et qu’il s’agit de son argent qui a été à l’origine de ces avances d’un actionnaire, ce que la preuve révèle, c’est ce dernier qui a un intérêt direct et personnel à faire valoir le recours et non GNP puisque cette dernière n’est pas actionnaire de la défenderesse. 
[46]        Il faut donc répondre à la question 1 par la négative. La demanderesse n’a pas d’intérêt direct et personnel lui permettant de poursuivre la défenderesse.
Référence : [2015] ABD 427

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