jeudi 29 octobre 2015

Le défaut de coopération d'une partie peut constituer de l'abus de procédure

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Le nouveau Code de procédure civile imposera expressément aux parties à un litige le devoir de coopérer. Si cette obligation n'est pas aussi explicite dans le présent Code, il n'en reste pas moins que cette obligation s'impose aux parties à un litige aujourd'hui et qu'elles peuvent être sanctionnées dans la mesure où elles ne coopèrent pas. La décision rendue par l'Honorable juge Marie-Anne Paquette dans Girard c. Girard (2015 QCCS 4945) illustre bien cette réalité.



Dans cette affaire, la Demanderesse a déposé des procédures en remplacement et destitution du liquidateur. Le Défendeur conteste ces procédures et demande une déclaration d'abus à l'encontre de la Demanderesse.

Après que la preuve en demande ai été déclarée close, le Défendeur demande à la Cour de rejeter l'action et la déclarer abusive avant même qu'il présente sa preuve en défense.

La juge Paquette n'a aucune hésitation à déclarer les procédures de la Demanderesse abusives et à qualifier son comportement procédural d'inacceptable. Elle souligne particulièrement l'entêtement de la Demanderesse à poursuivre un recours qui est manifestement voué à l'échec et son manque de collaboration dans le cadre de l'enquête:
[13]        De poursuivre le procès afin d’entendre la preuve complète de la défense ne fera que renforcer cette inéluctable conclusion et obligerait le défendeur à engager des frais supplémentaires pour les honoraires de ses avocats, des experts en défense et pour d’autres déboursés;[14]        Il y a donc lieu de déclarer la poursuite abusive et de prononcer les sanctions que permet le C.p.c. avant même que la défense ne présente sa preuve; 
[15]        En plaidoirie, l’avocat de la demanderesse plaide que le recours se fonde sur un conflit d’intérêts flagrant et un manque de loyauté du défendeur, qui est entrepreneur en construction et a fait des travaux de rénovation sur la maison, dont il demande à la succession d’assumer les frais; 
[16]        Or, ce motif de destitution n’est mentionné ni dans les procédures de la demanderesse ni dans son témoignage. La demanderesse, qui a eu toute l’opportunité de préciser devant le Tribunal ses causes de reproche contre le défendeur, n’a même pas fait allusion à ce motif; 
[17]        Cette tentative ultime et désespérée d’empêcher le rejet du recours de la demanderesse et les conséquences d’une déclaration d’abus démontre l’insouciance avec laquelle le recours a été intenté et mené en demande; 
[18]        La demanderesse et son avocat ont, sans retenue, forcé le défendeur à engager des frais importants pour se défendre à la poursuite judiciaire, entre autres exigeant qu’un expert évaluateur vienne témoigner à l’audience et en refusant que son rapport quant à l’évaluation de la valeur marchande de la maison ne soit admis en preuve pour tenir lieu de témoignage. Or, la demanderesse et son avocat étaient informés du fait que de requérir la présence de ce témoin engendrerait des frais de plus de 4 000,00 $. La demanderesse et son avocat admettent devant le Tribunal qu’ils ont catégoriquement refusé que le rapport tienne lieu de témoignage sans même prendre connaissance du rapport de cet expert, qui a pourtant été signifié à l’avocat de la demanderesse en mai 2015; 
[19]        Dans les circonstances, le Tribunal retient que la demanderesse a fait preuve de mauvaise foi, sinon de témérité et de légèreté blâmable en intentant et en continuant son recours. Elle a mis de l’avant une procédure qu’une personne raisonnable et prudente, placée dans les mêmes circonstances, aurait conclu qu’elle était sans fondement et n’offrait aucune véritable chance de succès; 
[20]        Son recours et ses demandes au défendeur paraissent d’autant plus déraisonnables que la demanderesse, qui avait été nommée co-liquidatrice de la succession avec son frère, a librement et volontairement renoncé à cette responsabilité; 
[21]        Partant, la procédure de la demanderesse est abusive et cet abus doit être sanctionné, tel que le permet l’article 54.1 C.p.c.; 
[22]        La demanderesse doit donc, conformément à la règle de l’article 477 C.p.c. et aux pouvoirs que l’article 54.1 C.p.c. accorde en pareil cas, être condamnée personnellement aux dépens, aux frais d’expertise et honoraires extrajudiciaires que le défendeur a engagés pour défendre son administration et sa réputation dans le présent dossier; 
[23]        Les honoraires extrajudiciaires s’élèvent à 38 977,68 $;
Référence : [2015] ABD 429

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