mardi 16 juin 2015

Pas de chose jugée, alors ... pas de chose jugée

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La common law a le concept de "collateral estoppel", lequel correspond essentiellement à une chose jugée partielle. En effet, lorsqu'une question particulière a été décidée dans une autre instance entre les mêmes parties, les tribunaux de common law ne permettront pas un nouveau débat sur la question, même s'il n'y a pas de chose jugée. Le droit québécois est différent sur la question (bien que les tribunaux seront parfois créatifs). Ainsi, s'il n'y a pas de chose jugée sur une question, la décision ne liera pas un juge subséquent comme l'indique la Cour d'appel dans  Caron c. Bédard (2015 QCCA 1041).



Dans cette affaire, l’Appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure qui a accueilli la demande d’injonction permanente des Intimés, ordonné à l’Appelant de cesser tout geste pouvant nuire à la servitude consentie aux Intimés, notamment de cesser la construction d’une clôture entre les lots des parties, et ordonné l'enlèvement de la partie de la clôture érigée derrière les lots des Intimés. L’Appelant est également condamné à payer aux Intimés 4 000 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires.

L'Appelant plaide qu'un jugement préalable entre les parties avait déjà discuté de l'assiette de la servitude, de sorte que le juge de première instance aurait dû conclure que la question était réglée.
 
Les Honorables juges Thibault, Kasirer et Gagnon confirment le jugement de première instance sur la question. Ils soulignent que les conditions de la chose jugée n'étant pas rempli, le juge de première instance n'était pas lié par la décision préalable:
[10]        Selon l’appelant, un jugement rendu le 8 mai 1995 a interprété la servitude. Celle-ci confère aux intimés un droit de baignade seulement. Il y a identité de parties, de cause et d’objet avec le présent dossier. Par conséquent, le juge d’instance ne pouvait pas interpréter à nouveau la servitude.  
[11]        En l’espèce, il y a identité de parties (elles agissent dans les mêmes qualités) et identité de cause (l’exercice du droit de la servitude), mais il n’y a pas identité d’objet. 
[12]        En 1991, les intimés s’opposaient à la décision unilatérale de l’appelant d’enlever les poutrelles du barrage de la rivière, ce qui avait pour effet de les empêcher de se baigner dans la section élargie de la rivière appelée le lac Rolland. Le jugement de 1995 résume la question en litige de cette manière : les demandeurs ont-ils le droit de se baigner dans le « lac Rolland »? Il conclut que l’appelant doit permettre aux intimés d’exercer leur droit d'accès aux fins de baignade dans le lac Rolland et, conséquemment, que l’appelant a l’obligation de maintenir le niveau d’eau du lac. 
[13]        Dans le présent dossier, les conclusions recherchées sont différentes. Les intimés ont institué des procédures judiciaires à la suite de la décision unilatérale de l’appelant d’installer une clôture entre leur lot et la plage bordant le lac Rolland. Cette décision vise à rendre plus difficile l’accès au lac. L’objet des deux recours est différent. Le premier visait le maintien du niveau de l’eau du lac Rolland et le second s’attache au droit d’accéder au lac à partir de leur lot.  
[14]        Ce moyen est mal fondé et il doit être rejeté.
Référence : [2015] ABD 237

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