jeudi 4 juin 2015

Au stade du rescisoire, le fait qu'une partie croyait erronément qu'elle avait jusqu'à la date de présentation pour comparaître est un motif suffisant

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Quels sont les motifs qui peuvent justifier la rétractation du jugement rendu par défaut de comparaître? Comme l'illustre l'affaire O'Breham c. Desgreniers (2015 QCCS 2371), un de ces motifs est l'incompréhension par la partie qui n'a pas encore d'avocat de la date d'ici laquelle la comparution doit être produite. En effet, dans la mesure où la Cour ne constate pas de négligence, une telle méprise justifie la rétractation.
 


L'Honorable juge Line Samoisette est saisie, au stade du rescisoire, d'une requête en rétractation du jugement rendu par défaut de comparaître. La Défenderesse fait valoir qu'elle s'est méprise de bonne foi sur la date avant laquelle elle devait produire sa comparution.
 
Le Demandeur conteste cette requête au motif que la stabilité des jugements commande que la rétractation ne soit accordée que dans les cas exceptionnels. Or, la simple méprise de la Défenderesse n'est pas exceptionnelle à son avis.
 
Après analyse, la juge Samoisette en vient à la conclusion que la Défenderesse a simplement commis une erreur de bonne foi et que son comportement subséquent au jugement rendu par défaut démontre diligence et une intention arrêtée de contester les procédures:
[13]        Le motif invoqué par la défenderesse repose essentiellement sur le fait qu'elle n'a pas compris le sens de son obligation de comparaître et qu'aucun professionnel avec qui elle a communiqué ne lui a expliqué. Dès qu'elle a reçu signification de la requête introductive d'instance, elle a aussitôt entrepris des démarches pour se trouver un procureur. Aucun n'a accepté de la représenter et aucun ne l'a avisée qu'il fallait qu'elle comparaisse dans les dix jours. Le vendredi 13 février 2015 en après-midi, elle envoie une lettre à Me Evelyne Gagnon. La lettre, accompagnée de plusieurs documents dont la requête introductive d'instance, débute ainsi: « Veuillez trouver ci-joint quelques documents dans le but de vous demander de me représenter à la COUR SUPÉRIEURE, chambre civile, le 9 mars prochain.  
[14]        Dès le lundi suivant, Me Gagnon l'appelle et l'informe qu'un jugement avait été rendu par défaut le jour même, soit le 16 février 2015. 
[15]        Sur l'avis au défendeur joint à la requête, seule la date du 9 mars 2015 apparaissait en caractère gras. Il convient de reproduire partiellement l'avis: 
« PRENEZ AVIS que le demandeur a déposé au greffe de la Cour Supérieure, du district judiciaire de Saint-François la présente requête introductive d'instance en injonction interlocutoire, permanente et en dommages et intérêts.  
Pour répondre à cette demande, vous devez comparaître par écrit, personnellement ou par avocat, au Palais de justice de Sherbrooke, situé au 375, rue King Ouest, Sherbrooke, dans les 10 jours de la signification de la présente requête.  
À défaut de comparaître dans ce délai, un jugement par défaut pourra être rendu contre vous sans autre avis dès l'expiration de ce délai de 10 jours. 
Si vous comparaissez, la demande sera présentée devant le tribunal le 9 mars 2015, à 9 heures, en salle 2 du Palais de justice et le tribunal pourra, à cette date, exercer les pouvoirs nécessaires en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance ou procéder à l'audition de la cause, à moins que vous n'ayez convenu par écrit avec le demandeur ou son avocat d'un calendrier des échéances à respecter en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance, lequel devra être déposé au greffe du tribunal.  
 (…) » 
[16]        La défenderesse a cru, à tort, qu'elle avait jusqu'au 9 mars 2015 pour se faire représenter. Toutes ses démarches ont été faites avec cette conviction bien ancrée. Il est vrai qu'une lecture attentive par une personne raisonnable commande de comparaître, par écrit, personnellement ou par avocat, dans les dix jours de la signification de la requête et qu’à défaut de ce faire, un jugement par défaut pourrait être rendu, ce qui est le cas en l’instance. 
[17]        Ce n'est pas ici par négligence, mais bien plutôt d'une erreur en raison d'une incompréhension résultant d’une lecture profane d'un texte qui ne surligne en caractère gras que la date du 9 mars 2015 que la défenderesse a compris erronément la portée de l'avis. 
[18]        Le comportement de la défenderesse et les gestes qu'elle a posés après la signification de la requête démontrent son empressement à se faire représenter et son désir de faire valoir ses droits. De plus, les faits allégués entourant plus particulièrement la vente de l'immeuble révèlent le sérieux des moyens de défense. La défenderesse soutient que la vente de l'immeuble qu'elle habite depuis 1977 n'a pas été faite de bonne foi, d'une part parce que le vendeur connaissait la teneur de la contre-lettre notariée et d'autre part, que l'acheteur n'était pas sans connaître la situation. La défenderesse a l'intention de demander l'annulation de la vente de l'immeuble et veut éviter l’éviction. Le tribunal n'a pas, à ce stade-ci, à trancher le fond du litige puisqu'il n'a qu'à déterminer si les moyens de défense sont sérieux.
Référence : [2015] ABD 222

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