jeudi 28 mai 2015

L'obligation de collaboration de l'assuré est d'une grande intensité

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Toute personne qui a déjà subi un sinistre sait que les assureurs peuvent être drôlement insistants avec leurs demandes d'information à la recherche de la trame factuelle complète (incluant certaines demandes qui - à prime abord - ne paraissent pas très pertinentes). Or, il est primordial que l'assuré collabore pleinement comme le lui oblige l'article 2471 C.c.Q. et ce n'est pas à lui de décider quelle information est pertinente ou pas comme le souligne la Cour d'appel dans Intact Assurances inc. c. 9221-2133 Québec inc. (Centre Mécatech) (2015 QCCA 916). 

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance qui l'a condamnée à indemniser l'Intimé pour un sinistre (vol d'un véhicule). L'Appelante fait valoir que ce jugement est mal fondé puisqu'il ne sanctionne pas le défaut de l'Intimé d'avoir collaboré pleinement avec l'enquête de l'assureur au sens de l'article 2471 C.c.Q.
 
Dans la décision attaquée, le juge de première instance a estimé que l’obtention des autorisations nécessaires pour avoir accès aux renseignements requis dans le cadre d'une enquête et  l’interrogatoire de l’assuré sur les circonstances du sinistre sont deux choses différentes. Selon lui, l’assuré devait permettre la cueillette par son assureur des renseignements nécessaires à l’enquête, mais il n’était pas obligé de se soumettre à un interrogatoire. Il conclut que l'Intimé a refusé d’être interrogé (ce qu’il associe à un « manque de collaboration » ou à une « collaboration déficiente de sa part »), mais que cela ne justifie pas pour autant la décision de l’assureur de ne pas l’indemniser.
 
Dans une décision unanime écrite sous la plume de l'Honorable juge Jacques Chamberland, la Cour intervient pour renverser le jugement de première instance. Le juge Chamberland souligne dans la décision que le devoir de collaboration de l'assuré est large et qu'il n'appartient pas à ce dernier de déterminer si qui est pertinent ou pas dans l'enquête de l'assureur.
 
Le défaut de collaboration était donc fatal en l'instance:
[16]        Dans un cas comme celui-ci, l’expression « toutes les circonstances entourant le sinistre » comprend non seulement les circonstances du vol survenu dans la nuit du 11 au 12 janvier 2011, mais également celles entourant l’acquisition par M. Cloutier du véhicule en cause puisqu’il s’agissait, à l’origine, d’un véhicule déclaré volé. Le juge reconnaît d’ailleurs que l’assureur était parfaitement justifié d’agir avec « circonspection » (paragr. 63) dans le traitement du dossier. 
[17]        Il n’appartient pas à l’assuré de décider si une déclaration de sa part est nécessaire, ni de choisir la façon dont l’assureur mènera son enquête. 
[18]        Son devoir est de collaborer étroitement  avec son assureur dans le règlement du sinistre. 
[19]        L’obligation  de collaborer est, faut-il le rappeler, stipulée en faveur de l’assureur. 
[20]        L’assuré doit répondre aux questions de l’assureur ou de ses représentants concernant toutes les circonstances entourant le sinistre et il doit fournir les pièces justificatives au soutien de sa réclamation. Il doit également, sur demande de son assureur, consentir à la cueillette des renseignements nécessaires et signer les documents requis pour ce faire. 
[21]        C’est ce que l’obligation  de collaboration codifiée à l’article 2471 C.c.Q. comprend. 
[22]        Avec égards pour le juge de première instance, il est erroné de subordonner le droit de l’assureur à une quelconque obligation de sa part de faire enquête auprès des tiers. Cette façon réductrice d’envisager l’obligation de collaboration permettrait à tout assuré de refuser  systématiquement de répondre aux questions de son assureur concernant les circonstances entourant le sinistre, tout en se contentant de fournir les consentements requis pour permettre la cueillette des renseignements pertinents à l’enquête auprès de tiers.  
[23]        Selon moi, et soit dit avec égards pour le juge de première instance, l’intimé a clairement failli à son obligation de collaboration en refusant systématiquement de répondre aux questions de son assureur et de ses représentants concernant toutes les circonstances entourant le vol du véhicule. La demande insistante de l’assureur d’interroger M. Cloutier  n’avait ici rien de déraisonnable ou d’abusif.
Référence : [2015] ABD 211

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