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En matière de droit municipal, est-ce que chacun des contribuables d'une municipalité peut prendre son propre recours pour faire sanctionner un manquement aux règles en matière d'aménagement et urbanisme? Bien sûr que non. Comme le souligne l'Honorable juge Claude Dallaire dans l'affaire 153427 Canada inc. c. Ste-Martine (Municipalité
de) (2014 QCCS 4850), une fois que la municipalité a pris des procédures, elle agit pour le compte de la totalité de ses contribuables.
Dans cette affaire, les Requérantes demandent
la rétractation du jugement rendu suite à un acquiescement à jugement par lequel
la Défenderesse a essentiellement accepté de retirer un règlement municipal.
Puisque les Requérantes étaient des tiers au
litige et que la requête en rétractation de jugement à leur demande ne suspend
pas automatiquement l'exécution du jugement, elles demandent une telle
suspension.
La juge Dallaire se penche sur la question de savoir si les Requérantes ont même l'intérêt pour demander la rétractation du jugement comme tierce-partie. En effet, la municipalité fait valoir que les Requérantes ne sont pas de véritables tierces parties.
Analysant la question, la juge Dallaire en vient effectivement à la conclusion que les Requérantes étaient représentées par la municipalité:
[63] Les requérantes n’étaient pas là en apparence, car leurs noms n’étaient pas dans les procédures et les procédures entre Canada inc. et Municipalité ne leur ont pas été signifiées.
[64] Mais y étaient-elles représentées, comme le soutiennent Canada inc. et Municipalité?
[65] Pour répondre à cette question, il faut savoir que l’article 13 de la Loi sur l’organisation territoriale municipale prévoit ceci :
13. La municipalité locale est une personne morale de droit public formée des habitants et des contribuables de son territoire.
[66] Dans Millette c. Yaros, la Cour a écrit qu’il faut vérifier si les représentants de la personne qui se prévaut de la procédure de rétractation en jugement ont été appelés afin de déterminer si la personne préjudiciée était partie aux procédures ayant mené au jugement contesté.
[67] Dans Corporation du Village de Deschênes c. Loveys, la Cour suprême confirme l’arrêt Stevenson c. Cité de Montréal, dans laquelle il a été établi que :
« Les corporations municipales représentent en justice leurs contribuables et un jugement rendu en faveur d’une telle corporation ou contre elle peut, lorsqu’il y a identité d’objet et de cause, être opposé à tout autre contribuable. » (soulignements ajoutés)
[68] Ce même constat a été repris dans Dorais c. St-Laurent, où le juge termine ses motifs par ce commentaire :
« If judgments binding the municipality were not binding on the citizens in such a case, the latter would have to be made parties to the suit; which is absurd. »
[69] Dans St-Laurent c. Dorais, la Cour est allée plus loin en concluant qu’il y avait identité de parties entre la ville et ses citoyens, car la première représente tous ses citoyens.
[70] Dans Martineau c. Batiscan (Municipalité de), le Tribunal a bien exposé le point de vue qui prévaut sur le sujet :
« Les règlements d'une municipalité affectent d'une manière ou d'une autre les contribuables de cette municipalité. Lorsqu'un jugement prononce la nullité d'un règlement, le Tribunal ne croit pas que tout contribuable qui n'était pas partie au litige puisse demander la rétractation de jugement pour le motif que ce jugement affecte ses droits et qu'il n'était pas partie au litige. Nous n'avons qu'à penser au jugement qui annulerait une partie d'un règlement de zonage. Si on fait droit à l'argument du requérant, cela signifie que tout citoyen pourrait se prévaloir de l'article 489 en autant qu'il démontre que ses droits sont affectés par ce jugement et qu'il n'était pas partie à l'instance. Afin d'empêcher toute rétractation de jugement, celui qui demande l'annulation d'un règlement municipal devrait alors mettre en cause tous les citoyens qui peuvent être affectés par l'issue du procès. On constate immédiatement l'absurdité dont parle le Juge Tyndale dans l'affaire ci-haut mentionnée.
Référence : [2015] ABD Rétro 19Le Tribunal considère que le requérant était représenté par la municipalité, comme tous les autres contribuables et qu'il n'a pas l'intérêt requis pour se prévaloir de l'article 489 du Code de procédure civile. » (soulignements ajoutés)
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