mardi 21 avril 2015

La barre est haute pour obtenir la permission d'en appeler d'un jugement qui rejette un recours pour cause d'abus

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La sanction de l'abus de procédure par le législateur ne se limite pas à l'adoption des articles 54.1 C.p.c. et suivants. En effet, le législateur soumet également l'appel du jugement qui a rejeté un recours en raison de son caractère abusif à la permission d'en appeler en vertu de l'article 26 al. 2 (4.1) C.p.c. La barre pour obtenir cette permission d'en appeler est haute comme le démontre l'affaire Clément c. Syndicat des copropriétaires du 1628 Henri-Bourassa Est (2015 QCCA 611).
 

Dans cette affaire, les Requérants demandent la permission d’appeler du jugement de la Cour supérieure qui a rejeté leur action en raison de son caractère abusif et les a condamné à verser 20 000 $ à l’Intimé en compensation partielle des honoraires extrajudiciaires encourus.
 
C'est dans ce contexte que l'Honorable juge Manon Savard rappelle que la permission d'en appeler nécessite une question nouvelle ou controversée, une question de principe ou une question d'intérêt général:
[9] La requête des requérants est régie par le paragraphe 4.1 de l’alinéa 2 de l’article 26 C.p.c. (Savoie c. Thériault-Martel, 2015 QCCA 591 (CanLII)). Aux termes de cette disposition, celui qui requiert la permission d’appeler a le fardeau d’établir que « la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour d’appel ». Le juge Rochon, dans Gaz Métro inc. c. Langlois (2006 QCCA 424 (CanLII)), résume comme suit la règle applicable : 
[3] Dans la foulée du Rapport du Comité de révision de la procédure civile (juillet 2001), le législateur a jugé utile de mieux encadrer les règles de la permission. Il l'a fait par les modifications législatives de 2002 en codifiant certains paramètres tirés du droit prétorien, en l'occurrence le passage suivant : «ce qui est notamment le cas s'il est d'avis qu'une question de principe, une question nouvelle ou une question de droit faisant l'objet d'une jurisprudence contradictoire est en jeu».  
[4] La rigueur de la règle fut exprimée par la formule lapidaire du juge Vallerand dans 2636-5205 Québec inc. c. Beaudry :  
…Il m'apparaît dès lors parfaitement admissible que la permission d'appeler en application de l'article 26 paragraphe 4 soit destinée à servir l'élaboration du droit et non pas le justiciable dont l'appel met en cause des intérêts, par définition, relativement minimes, ce pourquoi du reste le jugement qui en dispose est en principe un jugement définitif.  
[5] La nouvelle formulation de l'article 26 C.p.c. en 2002 ne modifie pas la règle. Le législateur a dressé une liste non exhaustive de situations juridiques qui supposent des questions d'intérêt général par opposition à l'intérêt immédiat du justiciable.  
[6] Ainsi, à l'époque et encore aujourd'hui, l'erreur de droit en soi ne suffit pas pour constituer une question «qui devrait être soumise à la Cour d'appel». À l'évidence, cela vaut également pour l'erreur qui porte sur les faits.  
[Références omises et soulignement ajouté] 
[10] Les requérants ne me convainquent pas que la permission d’appeler recherchée doit être accueillie. La requête ne soulève aucune question de droit nouvelle et controversée ni question de principe ou d’intérêt général. Elle se rapporte strictement à l’application des principes connus de l’abus en vertu des articles 54.1 et s. C.p.c. et récemment discutés par la Cour dans Charland c. Lessard (2015 QCCA 14 (CanLII)). Or, compte tenu des constats à la fois explicites et accablants de la juge de première instance sur l’état déplorable du dossier et les proportions démesurées qu’il a pris depuis 2007, celle-ci pouvait conclure au rejet de la demande en application de ces dispositions. L’on ne voit pas dans le jugement de première instance une apparence d’injustice ou de faiblesse qui mériterait que la Cour se penche plus avant sur l’affaire.
Référence : [2015] ABD 158

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