lundi 9 mars 2015

Lorsque l'irrecevabilité invoquée tient purement à une question de droit, la Cour doit trancher celle-ci

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'on parle souvent de la prudence qui doit animer le tribunal auquel on demande de rejeter un recours au stade préliminaire, et ce pour cause. Mais il ne faut également pas oublier, comme le souligne l'affaire Grenier c. Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent (2015 QCCS 919), que lorsque la question soumise à la Cour est une pure question de droit, cette question devra être tranchée déjà à ce stade.
 


Dans cette affaire, l'Honorable juge Lise Bergeron est saisie de deux requêtes en irrecevabilité présentées par les Défendeurs à l'encontre d'une action en nullité d’un avis de non-renouvellement à l'égard d'une entente spécifique.
 
La juge Bergeron souligne que les requêtes en irrecevabilité soulèvent une pure question de droit. Conformément à la jurisprudence sur le sujet, elle indique que la Cour se doit de trancher cette question même au stade préliminaire:
[24]        Dans la présente affaire, pour disposer des requêtes en irrecevabilité, il faut trancher la question d'interprétation de l'article 55 et déterminer si l'autorisation de l'Agence doit être préalable. C'est une question de droit. 
[25]        Dans l'arrêt Bourcier c. Citadelle, alors que la Cour du Québec a accueilli la requête en irrecevabilité présentée par l'assureur (Citadelle), Bourcier se pourvoit en appel. 
[26]        La Cour d'appel s'exprime comme suit: 
[30]           La question touchant au délai prévu pour déclarer le sinistre implique de procéder à l'interprétation du terme « sinistre » tel qu'il est utilisé à l'article 2435 C.c.Q. Il s’agit d’une question de droit.  Dans une telle situation, le tribunal saisi d'une requête en irrecevabilité a le devoir de la trancher. [Nos soulignements] 
[27]        Reprenant les propos tenus dans Avis Canada c. Chantal Condoroussis, la Cour écrit: 
[31]           Dans l'arrêt Avis Canada Inc. c. Chantal Condoroussis, la Cour d’appel indique:  
La solution de la question que soulève cette situation de droit claire et facilement définie ne s’impose peut-être pas «sans discussion ni étude sérieuse», mais cela ne suffit pas pour justifier le déféré au juge de fond. Le juge de l’irrecevabilité, saisi d’un point de droit pur, doit en disposer quelle que soit la difficulté. 
[28]        Par ailleurs, le juge Gilles Blanchet, de notre Cour, écrit ceci dans l’affaire Fruits de mer Gascons ltée c. Brotherton
[16] Cela dit, lorsqu'un moyen d'irrecevabilité repose clairement sur la seule application d'une règle de droit, tous les faits étant par ailleurs tenus pour avérés, le Tribunal saisi de la requête sera en mesure d'en apprécier le fondement avec tout autant de justesse que s'il avait à le faire au fond, après audition de la preuve. En pareilles circonstances, le juge peut et doit se prononcer sur le droit, la procédure en irrecevabilité visant précisément à éviter un débat de fond inutile et coûteux lorsque le fondement légal du recours, à sa face même, paraît inexistant. 
[29]        Encore plus récemment, en 2011, alors qu'elle se prononce dans St-Eustache c. Régie intermunicipale Argenteuil, la Cour d'appel rappelle ce qui suit: 
[24]           Le seul but de la requête en irrecevabilité est de juger si les conditions de la procédure sont solidaires des faits allégués, « ce qui nécessite un examen explicite, mais également implicite du droit invoqué ». À cet égard, la jurisprudence autorise le juge à prendre en considération les pièces produites au soutien de la demande.  
[25]           Le juge saisi d’un moyen d’irrecevabilité doit se prononcer sur le droit comme s’il avait à le faire au fond lorsque ce moyen repose clairement sur la seule application d’une règle de droit ou soulève une question de droit pur, tous les faits étant par ailleurs tenus pour avérés. Il doit cependant éviter de mettre fin prématurément à un procès à moins que la situation soit claire et évidente, éviter de se prononcer sur le bien-fondé des allégations ou de considérer la difficulté qu’aura la partie demanderesse à faire sa preuve.  
[Références omises]  
[Nos soulignements] 
[30]        Il s'agit ici d'un de ces cas clairs où le moyen d'irrecevabilité repose sur la réponse à une question de droit, soit l'interprétation de l'alinéa 3 de l'article 55.
Référence : [2015] ABD 95

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