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La stipulation pour autrui n'est pas aussi simple à déceler que plusieurs peuvent le croire. En effet, ce n'est pas parce qu'un contrat créé des droits en faveur d'une tierce partie qu'on peut conclure à stipulation pour autrui. C'est ce que nous rappelle l'Honorable juge Marie-Anne Paquette dans l'affaire Toitures Trois Étoiles inc. c. Construction Garnier ltée (2015 QCCS 1479).
Dans cette affaire, la juge Paquette est saisie d'une requête en irrecevabilité et en rejet d'action présentée par une des Défenderesses. Cette requête est basée sur des arguments de prescription, absence de lien de droit et abus.
La Défenderesse qui présente la requête plaide d'abord qu'il y a absence totale de lien de droit à son égard puisqu'elle n'est partie ni au contrat, no aux factures invoquées à l'appui de l'action.
La Demanderesse concède ce fait, mais plaide que le contrat prévoit une stipulation pour autrui au bénéfice de la Défenderesse, de sorte qu'elle est ultimement partie au contrat.
Après analyse, la juge Paquette rejette l'argument présenté par la Demanderesse et en vient à la conclusion que le recours est irrecevable à l'égard de la Défenderesse. Elle souligne à cet égard que le simple fait de créer - par contrat - un avantage pour une tierce partie ne suffit pas pour conclure à stipulation pour autrui:
[18] En effet, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent qu’une intention claire et sans équivoque de créer des droits en faveur d’un tiers est nécessaire pour conclure à une stipulation pour autrui.
[19] Or, la clause soumise ne contient pas une telle expression d’intention en faveur de TTE ou des sous-entrepreneurs. D’ailleurs, comme le rappellent la doctrine et la jurisprudence, « le simple fait que des avantages peuvent être créés en faveur de tiers ne permet pas de conclure automatiquement à une stipulation pour autrui en l’absence d’une intention claire à cet effet ».
[20] Cette clause du contrat entre l’Association et Garnier ne crée donc pas d’obligations de l’Association envers TTE. Elle vise plutôt à protéger l’Association et à lui permettre d’éviter la publication d’une hypothèque légale sur l’Immeuble dont elle est propriétaire.
[21] Elle permet à l’Association de refuser de libérer la retenue au bénéfice de Garnier si ce dernier n’est pas en mesure de lui démontrer qu’il a payé les sous-entrepreneurs. Elle n’oblige pas l’Association à payer les sous-entrepreneurs ou à faire quelques vérifications avant de payer l’entrepreneur général.
[22] Ainsi, l’Association n’engage pas sa responsabilité contractuelle si elle libère la retenue en faveur de Garnier sans avoir obtenu les quittances des sous-entrepreneurs. Dans un tel cas, l’Association prendrait certes un risque : celui de voir des sous-entrepreneurs impayés publier une hypothèque légale sur son immeuble et exercer un recours hypothécaire contre son immeuble. Elle ne commettrait pas une faute contractuelle pour autant.
Référence : [2015] ABD 125[23] En 2003, la Cour d’appel a d’ailleurs conclu qu’une clause similaire à sous étude ne constitue pas une stipulation pour autrui et ne crée pas un lien contractuel entre le sous-entrepreneur et le donneur d’ouvrage.
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