Renno Vathilakis Inc.
L'article 1434 du Code civil du Québec prévoit que le "contrat valablement formé oblige ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi". C'est donc dire que la quasi-totalité des contrats imposent aux parties des obligations implicites qui découlent de la nature du contrat. En matière de louage commercial, une des obligations implicites qui pèse sur le locateur est celle de ne pas changer la destination des lieux. Dans l'affaire 9202-9131 Québec inc. c. 6943870 Canada inc. (2015 QCCS 1209), l'Honorable juge Stephen W. Hamilton se pose la très intéressante question de savoir si la fermeture d'une partie importante d'un immeuble est un tel changement de destination qui justifie l'abandon par le locataire des lieux.
La Demanderesse dans cette affaire est propriétaire d'un pub et locataire de l'immeuble qui appartient à une des Défenderesses, Une autre des Défenderesses est propriétaire d'un club de tennis, de squash et d'activité physique dans le même immeuble et elle est celle qui loue des lieux à la Demanderesse. Ces deux Défenderesses sont contrôlées par les mêmes actionnaires et administrateurs.
La Demanderesse fait valoir qu'elle était justifiée d'abandonner son bail commercial et de réclamer des dommages suite à la fermeture du club sportif qui a laissé l'immeuble qu'elle occupait en grande partie vide. Elle plaide qu'il s'agit là d'un changement de destination des lieux et d'une violation des obligations implicites du locateur au terme du bail.
Le juge Hamilton fait d'abord une revue de la jurisprudence pertinente. Il note que la jurisprudence Québécoise n'assimile pas un haut taux d'inoccupation d'un immeuble à un changement de destination des lieux, mais que la situation est différente lorsque le locateur transforme une grande partie de l'immeuble ou le vide volontairement:
[35] This is a legal obligation which forms part of the lease, even if it is not expressly mentioned in the lease. The legal obligation not to change the destination of the leased property can be modified by the express terms of the lease. Section 19.6 of the lease, for example, declares that the Landlord enlarging or modifying the building or adding floors to it does not constitute a change in the nature or destination of the leased premises. Other than Section 19.6, there is nothing in the lease to modify the legal obligation.
[36] An obligation can also be implied because of the nature of the lease. The nature of the lease is closely related to the destination of the premises, and the notions of change of destination and implied obligation often overlap.
[37] The issue in this case is whether closing down a substantial part of the building is a breach of the legal obligation not to change the destination of the leased premises or of an implied obligation resulting from the nature of the lease.
[38] The Courts have been careful not to give too broad a scope to these unwritten obligations, particularly in the presence of a clause like Section 19.1 of the lease which stipulates that the lease and the schedules contain all of the undertakings and obligations of the parties. The Courts should not give the tenant the benefit of an obligation that it failed to negotiate for itself, unless it is clear that both parties contemplated such an obligation.
[39] As a result, when the lease is silent, the Courts have dismissed claims by tenants complaining that the vacancy rate is too high, that the landlord has undertaken renovations, or that the construction of the shopping centre is not proceeding as the tenant understood it would. In those circumstances, the Courts have declined to find breaches of the legal obligation not to change the destination of the leased premises or of an implied obligation. The Courts have considered whether the landlord has acted in accordance with the express language of the leases and have suggested that the tenant should have required a specific clause in the lease to deal with those specific issues.
[40] In 9142-9134 Québec inc. c. 9180-9293 Québec inc., Mr. Justice Mayer dismissed the tenant’s claim that the high vacancy rate constituted a change in destination. He stated :
[155] To begin, when synergies are an important aspect of a tenant's success, it is wise to negotiate a co-tenancy provision in a lease, which gives a tenant the right to terminate his lease or reduce his rent if a prescribed percentage of neighbouring tenants become vacant or anchor tenants leave the centre. This type of clause will help ensure that a tenant will obtain a certain relief in the event that there is not sufficient customer traffic that enables his business to remain viable.
[156] In the case at hand, there is no such provision in the Lease.
[41] However, the Courts have found that a landlord has breached the legal obligation not to change the destination of the leased premises or an implied obligation if it transforms a portion of a shopping centre into office premises or if, with the intention of changing the vocation of a shopping centre, it ceases to lease space and encourages the vacating of premises.
[42] There are also a series of cases relating to the decision to transfer passenger traffic from Mirabel airport to Dorval airport. In those cases, the Courts held that the reduction in the services offered at Mirabel airport constituted a breach of an implied obligation to maintain sufficient traffic at Mirabel airport. As Mr. Justice Dalphond stated:
[33] Le contrat est la loi des parties et il est exact que dans le bail du 26 juin 1975 on ne retrouve pas de clause qui garantit expressément au locataire l'approvisionnement de l'hôtel par le maintien des vols. Toutefois, ce contrat d'ailleurs non négocié mais unilatéralement imposé par le locateur en 1975, comme tous les autres contrats, s'étend non seulement à ce qui y est spécifiquement prévu, mais aussi à tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi (art. 1024 C.C. au même effet, l'art. 1434 C.C.Q.).
[34] Il me semble évident que l'une des considérations principales du bail est l'existence d'un achalandage à Mirabel suffisant pour couvrir l'investissement et faire un profit raisonnable. On ne peut, sans friser la pure argutie, sérieusement soutenir que quelqu'un accepterait d'exploiter un hôtel dans une zone inhabitée tout en pensant que, du jour au lendemain, son locateur peut impunément concentrer à Dorval les vols sur lesquels il compte pour rentabiliser son entreprise.
[35] La lecture des termes mêmes du bail révèle clairement le lien nécessaire entre le trafic aéroportuaire et la disponibilité de l'hôtel. En effet, il impose une disponibilité prioritaire des chambres pour les passagers (art. 18b). C'est de plus le directeur de l'aéroport qui fixe les tarifs hôteliers (art. 18c). On oblige, en outre, le locataire à mentionner l'aéroport dans toute représentation promotionnelle (art. 39), etc.
[36] En résumé, l'existence d'un achalandage suffisant à Mirabel constituait, sinon une considération principale de l'engagement du locataire, du moins une condition implicite mais claire du bail.
(Emphasis added)
Appliquant ces principes aux faits de l'espèce, le juge Hamilton en vient à la conclusion que le locateur a véritablement changé la destination des lieux puisqu'il a pris la décision de fermer le club sportif sans plan pour mettre en place d'autres commerces.
Décision très intéressante.
Mise à jour:
Mise à jour:
Le jugement du juge Hamilton a été porté en appel. Cet appel a été rejeté sur requête dans 6943870 Canada inc. c. 9202-9131 Québec inc. (2015 QCCA 1191).
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