jeudi 19 mars 2015

Il n’est pas opportun pour la Cour supérieure, par le biais d’une requête pour jugement déclaratoire, de court-circuiter le processus enclenché devant un tribunal administratif

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà souligné que la Cour supérieure ne devrait pas se saisir d'une requête en jugement déclaratoire lorsque la question relève de la juridiction exclusive d'un tribunal spécialisé. Ce principe s'applique pleinement en matière de droit disciplinaire, de sorte que l'on ne peut s'adresser à la Cour supérieure pour demander l'arrêt d'une enquête disciplinaire avant de saisir le comité de discipline de la question. C'est ce que souligne l'Honorable juge Claudine Roy dans Laurin c. Poirier (2015 QCCS 987).
 


Dans cette affaire, le Requérant recherche l’annulation de la résolution de la Chambre de l’assurance de dommages ayant nommé un syndic ad hoc pour faire enquête sur lui. Il estime que le conseil d’administration de la Chambre n’a pas le pouvoir de nommer un tel syndic.
 
Le Requérant recherche également une déclaration de nullité de l’enquête disciplinaire effectuée ce syndic et de la plainte disciplinaire déposée contre lui à la suite de cette enquête. Enfin, il demande au Tribunal d’ordonner l’arrêt des procédures disciplinaires intentées contre lui devant le Comité de discipline de la Chambre.
 
Les Intimés présentent une requête en irrecevabilité au motif que le Requérant ne peut saisir la Cour supérieure de ces questions avant de les soulever devant le Comité de discipline.
 
Après analyse, la juge Roy donne raison aux Intimés et déclare le recours irrecevable. Elle souligne à ce chapitre que le jugement déclaratoire ne peut être utilisé pour usurper la juridiction d'un comité de discipline:
[5]           La Cour d’appel a, de manière constante, décidé que les questions, même celles relatives à la compétence, doivent d’abord être décidées par le tribunal administratif ayant compétence sur la plainte disciplinaire. 
[6]           Dans Commissaire à la déontologie policière c. Bourdon, la Cour d’appel a référé au Commissaire à la déontologie policière les questions de décider de la compétence de ce dernier pour entendre une plainte après la retraite d’un policier et de la validité de la plainte. 
[7]           Dans Gattuso c. Comité de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec, la Cour d’appel a renvoyé un requérant devant le comité de discipline pour invoquer qu’une plainte disciplinaire était nulle ab initio au motif que le syndic était partial à son endroit. Elle souligne qu’en raison de l’expertise du comité de discipline, il sera dans une position privilégiée pour décider du bien-fondé des plaintes, y compris de toute question incidente ou préliminaire qui pourrait être soulevée. 
[8]           Dans Labrie c. Roy, le juge Dalphond a également refusé une permission d’en appeler dans un cas où le médecin faisant l’objet de plaintes disciplinaires invoquait l’invalidité du serment prêté par un syndic ad hoc
[9]           Dans Optométristes (Ordre professionnel des) c. Conseil de discipline de l’Ordre des optométristes du Québec, la Cour d’appel confirme la Cour supérieure qui décide qu’une question relative à l’impartialité institutionnelle d’un conseil de discipline et d’une question relative au caractère abusif d’une plainte doivent d’abord être tranchées par ce conseil. Comme le souligne le juge de première instance, le recours devant le conseil de discipline est un recours approprié et efficace susceptible de remédier à l’illégalité alléguée. Il en est de même ici. 
[10]        Dans l’affaire Bourdon, précitée, la Cour d’appel a également décidé qu’une demande d’arrêt des procédures doit d’abord être présentée au comité de discipline saisi des plaintes. 
[11]        Dans l’affaire Bégin c. Godin, la Cour supérieure a suivi le même raisonnement pour référer un argument sur la validité de gestes posés par un syndic au comité de discipline des comptables en management accrédités du Québec. 
[12]        M. Laurin pourra très bien soulever tous les moyens qu’il invoque ici devant le Comité de discipline. 
[13]        Il n’est pas opportun pour la Cour supérieure, par le biais d’une requête pour jugement déclaratoire, de court-circuiter le processus enclenché devant le tribunal administratif.
Référence : [2015] ABD 111

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