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Le cadre d'application du secret professionnel n'a pas toujours été facile à cerner. Certaines choses qui sont prises pour acquis maintenant ne l'ont pas toujours été. C'est le cas du fait que les factures d'un avocat sont couvertes par le secret professionnel. C'est donc l'affaire Maranda c. Richer ([2003] 3 RCS 193) que la Cour suprême avait tranché la question.
Les faits de l'affaire sont relativement simples.
Soupçonnant une personne d’être impliquée dans des opérations de blanchiment d’argent et de trafic de stupéfiants, la GRC obtient l’autorisation d’effectuer une perquisition au cabinet d’avocats de l’Appelant visant tous les documents relatifs aux honoraires et débours facturés à cette personne ainsi que ceux concernant la propriété d’une automobile que celle-ci aurait cédée à son avocat en paiement de services professionnels.
L’Appelant présente une requête en certiorari devant la Cour supérieure afin d’obtenir l’annulation du mandat et de faire déclarer la perquisition illégale et abusive. Le juge de première instance lui donne raison, mais la Cour d'appel du Québec infirme cette décision.
Au nom de huit des neuf juges de la Cour, l'Honorable juge Louis Lebel est d'avis que le pourvoi doit être accueilli. En effet, il en vient à la conclusion que les comptes d'honoraires d'un avocat sont couverts par le secret professionnel, de sorte que la perquisition était illégale:
24 Jusqu’à présent la question n’a jamais été posée dans ces termes à notre Cour. Pour y répondre, je devrai présumer que le ministère public ne recherche que le fait brut du montant des honoraires et des débours. Sur ce point, j’éprouve toutefois quelques doutes à la lecture de la liste des documents recherchés. Les documents et informations recherchés, notamment quant aux comptes de débours de Me Maranda, permettraient peut-être à un enquêteur intelligent de reconstituer certaines des allées et venues du client et de constituer des éléments sur sa présence en des lieux divers à partir de la documentation relative aux rencontres avec son avocat. Quoi qu’il en soit, j’examinerai le débat dans les termes définis par les parties, qui supposent que l’information désirée par la GRC se limitait au montant brut des honoraires et débours facturés par Me Maranda à son client, M. Charron.
[...]
32 Attrayante peut-être en pure logique, cette distinction quant aux honoraires d’avocats rend mal compte de la nature de la relation en cause. Comme notre Cour le constatait dans l’arrêt Mierzwinski, une relation professionnelle entre un client et un avocat peut présenter des aspects très divers. Les questions de calcul et de paiement des honoraires en constituent un élément important pour les deux parties. Leur présence impose fréquemment une discussion de la nature et des modalités d’exécution des services. Les lois professionnelles et les codes de déontologie régissant les membres des barreaux au Canada comportent des mécanismes souvent complexes pour définir les obligations et les droits des parties en cette matière. Ces mesures législatives et réglementaires prévoient des normes strictes de tenue de la comptabilité et des dossiers, l’obligation de rendre compte en détail au client et des mécanismes de règlement des différends survenus à leur propos (Loi sur le Barreau, L.R.Q., ch. B-1, art. 75; Règlement sur la comptabilité et les comptes en fidéicommis des avocats, R.R.Q. 1981, ch. B-1, r. 3; Code de déontologie des avocats, R.R.Q., 1981, ch. B-1, r. 1, art. 3.03.03 et 3.08.05; Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des avocats, (1994) 126 G.O. II, 6725). La constitution du fait que seraient le compte d’honoraires et son acquittement découle de la relation avocat-client et de son évolution. Ce fait demeure rattaché à cette relation et doit être considéré en principe comme l’un de ses éléments.
Référence : [2015] ABD Rétro 1233 En droit, lorsqu’il s’agit d’autoriser une perquisition dans un cabinet d’avocats, le fait même du montant des honoraires doit être considéré comme un élément d’information protégé, en règle générale, par le privilège avocat-client. Sans pour autant entraîner la création d’une catégorie nouvelle d’informations privilégiées, une telle présomption apportera une précision nécessaire aux méthodes de mise en application du privilège avocat-client, qui se situe dans les privilèges génériques, comme on se le rappellera. En raison des difficultés inhérentes à l’appréciation de la neutralité des informations contenues dans les comptes d’avocats et de l’importance des valeurs constitutionnelles que mettrait en danger leur communication, la reconnaissance d’une présomption voulant que ces informations se situent prima facie dans la catégorie privilégiée assure mieux la réalisation des objectifs de ce privilège établi de longue date. Elle respecte aussi cette volonté de réduire au minimum les atteintes au privilège avocat-client, que notre Cour exprimait encore récemment avec force dans l’arrêt McClure, précité, par. 4-5.
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