mardi 10 février 2015

On ne peut s'objecter pour la première fois en appel à une preuve au motif qu'elle ne respectait pas la règle de la meilleure preuve

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La règle de la meilleure preuve veut que la preuve présentée à la Cour soit la meilleure preuve possible d'un fait, i.e. documentation originale ou témoignage des personnes directement impliquées dans une conversation par exemple. Mais en l'absence d'objection immédiate à une preuve autre, l'on ne pourra subséquemment s'objecter en appel comme le souligne l'affaire Renière c. 9176-4332 Québec inc. (2015 QCCA 206).
 

Dans cette affaire, l'Appelant se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance qui a rejeté son recours en dommages contre les Intimés. Cette action était basée sur l'exigibilité d'une prime contractuelle de 319 221,30 $ déclenchée par la vente d'actifs.
 
La question centrale de l'affaire était celle de savoir si la preuve administrée en défense permettait la conclusion factuelle à l'effet qu'une remise de 433 432 $ US sur le solde du prix de vente des actifs a été versée en raison de l’inexécution de certaines garanties qui avait offertes sur ses actifs. Cette remise avait l'effet d'annuler la prime autrement payable à l'Appelant.
 
Ce dernier fait valoir que la preuve de cette remise faite en première instance - photocopie d'une quittance - ne respectait pas la règle de la meilleure preuve. Or, cette objection n'a pas été soulevée en première instance.
 
Selon les Honorables juges Morissette, Kasirer et Émond, cette absence d'objection en première instance est fatale:
[4]           Une photocopie d’une quittance signée par les représentants autorisés de Tektronix et de Minacom a été versée au dossier par les intimés et elle fait explicitement état de cette remise de 433 432 $ US. Trois témoins, deux cadres à l’emploi de Tektronix au nom de cette dernière, et l’intimé Nadeau en sa qualité de président de Minacom, ont témoigné sur les conditions dans lesquelles la remise avait été accordée par Minacom. Deux d’entre eux étaient les signataires de la quittance. Tous trois ont été contre-interrogés à ce sujet par l’avocate de l’appelant. Aucune objection de la part de cette dernière ne fut formulée lorsque ces éléments de preuve furent versés au dossier. La juge a estimé que la remise de la 433 432 $ US consentie par Minacom justifiait son refus de verser à l’appelant les 300 000 $ prévus au contrat. 
[5]           L’appelant invoque maintenant la règle de la meilleure preuve et prétend qu’au nom de ce principe la juge aurait dû écarter les éléments de preuve sur lesquels elle appuie sa conclusion. La tardiveté avec laquelle l’argument est soulevé suffit à lui être fatale. Il est évidemment trop tard en appel pour soulever un argument de cet ordre; l’eut-il été au moment opportun, tout indique que les intimés auraient pu établir avec un original une quittance dont l’existence était par ailleurs amplement démontrée par une preuve testimoniale prépondérante. Il n’appartenait pas à la juge de suppléer d’office au défaut de l’appelant de soulever cette règle (qui n’est pas d’ordre public : art. 2859 C.c.Q.) et en omettant de l’invoquer, l’appelant renonçait à son application.
Référence : [2015] ABD 58

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