Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Nous avons déjà discuté du fait que la présomption d'intention frauduleuse stipulée à l'article 1632 C.c.Q. pouvait être repoussée par l'acheteur de bonne foi. Reste qu'il demeure son fardeau de repousser cette présomption, de sorte que le silence dans la preuve ne pourra lui profiter comme le soulignait récemment la Cour d'appel dans 3087-4036 Québec inc. (Portes unies St-Michel 1993) c. 4229177 Canada inc. (2015 QCCA 167).
Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement de première instance qui qui a rejeté son recours visant à faire déclarer inopposable à son égard, parce que frauduleuse, la vente par d’un condominium. En effet, le juge de première instance en est venu à la conclusion que l'Intimée avait repoussée la présomption d'intention frauduleuse.
Or, l'Appelante fait valoir en appel qu'il n'en est rien puisque les Intimées n'ont présenté aucune preuve qui permettrait à cette présomption d'être repoussée. Au contraire, elle plaide qu'il y a essentiellement absence de preuve sur la question.
Un banc unanime composé des Honorables juges Bouchard, Savard et Vauclair donne raison à l'Appelante et renverse la décision. Sur le renversement de la présomption, la Cour indique que la preuve ne permettait certes pas de conclure en ce sens puisque les Intimées avaient le fardeau de la preuve:
[3] Appliquant la présomption légale de l'article 1632 C.c.Q., le juge conclut dans un premier temps que le contrat de vente du condominium du 24 octobre 2006 est réputé fait avec l’intention de frauder parce que 422 connaissait l’insolvabilité de Sopra.
[4] À la lumière de l’arrêt rendu par notre Cour dans Banque Nationale du Canada c. S.(S.), le juge statue ensuite que « la connaissance de l’insolvabilité du débiteur par les tiers n’empêche pas ce débiteur de faire la preuve de sa bonne foi » Et, le juge de conclure que 422 est de bonne foi lorsqu’elle acquiert de Sopra ledit condominium. Ses motifs sont les suivants :
[38] Bien que 422 ait connaissance de l’insolvabilité de Sopra, cet acte est fait « dans le cours ordinaire des affaires », pour reprendre les termes du juge Forget dans Banque Nationale du Canada. Il en est ainsi puisque cet acte fait suite à un investissement réel de 700 000 $ dont une partie est remboursée par chèques en juin et août 2006, alors que le solde est payé par le transfert de l’unité de copropriété divise visée par cet acte.
[39] PUSM peut reprocher à M. Despatie le manque de diligence dans la gestion de ses affaires et l’absence d’écrit dans ses relations d’affaires avec François Milani et ses compagnies. Cependant, ces reproches n’établissent pas la mauvaise foi de M. Despatie.
[40] En fait, l’acte attaqué est la dernière étape de la terminaison des relations d’affaires entre 422 et Sopra. Pour reprendre une expression connue dans le monde des affaires, par cet acte, M. Despatie et sa famille reprennent leurs « billes », correspondant à l’investissement initial.
[41] En conséquence, vu l’absence de preuve de mauvaise foi de la part de 422 et de son président, Pierre Despatie, le Tribunal rejette l’action en inopposabilité de PUSM. Cependant, exerçant sa discrétion judiciaire, le Tribunal n’impose aucuns frais.
[...]
[5] Mis à part les interrogatoires après défense de M. Pierre Despatie qui ont été déposés devant le juge de première instance avec le consentement des avocats au dossier, Sopra n’a fait aucune preuve en première instance pour repousser la présomption de l’article 1632 C.c.Q. Or, à moins de tourner cet article en dérision, la Cour a énormément de difficulté à cautionner cette façon de procéder. 422 devait renverser la présomption et faire la preuve de sa bonne foi. Elle ne pouvait pas simplement se contenter de plaider que la vente du condominium était la résultante de l’entente de remboursement du 4 août 2005, car rien n’est moins sûr. Voici pourquoi.
[...]
[10] En bref, 422 ne pouvait pas assister passivement au déroulement de l’instance et, le juge, se contenter de référer à l’entente de remboursement pour conclure en la bonne foi de 422. Il y avait trop d’éléments qui méritaient d’être expliqués et qui sont demeurés sans réponse.
[11] Il importe de rappeler que 422 était bel et bien au courant de l’insolvabilité de Sopra lors de la vente du condominium, laquelle est alors réputée frauduleuse. Le juge ne pouvait donc pas conclure que la présomption de l’article 1632 C.c.Q. a été repoussée et que 422 a établi sa bonne foi en présence d’autant de zones grises.
Référence : [2015] ABD 45
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