lundi 3 février 2014

L'acheteur de bonne foi peut repousser la présomption de frauder de l'article 1632 C.c.Q.

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous en discutions le 20 mai 2013: malgré le libellé de l'article 1632 C.c.Q., la présomption de fraude qui y est prévue est réfragable. La décision récente rendue par l'Honorable juge Charles Ouellet dans Construction Blanchard et Frères (1994) inc. c. 9135-9505 Québec inc. (2014 QCCS 45) démontre comment cette présomption peut être repoussée.
 

Dans le cadre de la contestation d'une déclaration négative d'une tierce-saisie, la Demanderesse recherche l'inopposabilité d'un contrat de vente d'actifs. Elle allègue que la Défenderesse était insolvable au moment de la vente et que l'Opposante était bien au fait de cette insolvabilité de sorte que la présomption d'intention de frauder de l'article 1632 C.c.Q. s'applique.
 
L'analyse de la preuve faite devant la Cour démontre que la vente en question est (a) postérieure à la créance de la Demanderesse, (b) porte préjudice à celle-ci puisque faite pour bien moins que la valeur des actifs et (c) démontre l'intention de la Défenderesse de frauder.
 
Reste la question de la fraude. Quoique la présomption de l'article 1632 s'applique selon le juge Ouellet, il est d'opinion que l'Opposante a repoussé celle-ci:
[39]        D’entrée de jeu, Blanchard dispose d’une présomption qui établit la mauvaise foi de 9246 puisque celle-ci, par son représentant Yan Pellerin, connaissait l’insolvabilité de 9135 : 
« Art. 1632. Un contrat à titre onéreux ou un paiement fait en exécution d'un tel contrat est réputé fait avec l'intention de frauder si le cocontractant ou le créancier connaissait l'insolvabilité du débiteur ou le fait que celui-ci, par cet acte, se rendait ou cherchait à se rendre insolvable. » 
[40]        Dans l’arrêt Banque Nationale du Canada c. Soracchi la Cour d’appel a établi que cette présomption est réfragable.   
[41]        Le témoignage non contredit de Yan Pellerin est qu’il n’a appris l’existence de la créance de Blanchard qu’au moment de la saisie-exécution ainsi que de la saisie en main tierce pratiquées entre ses mains le 6 novembre 2012, c’est-à-dire un peu plus de trois mois après qu’il eut acheté et payé les actifs du gymnase. 
[42]        Son comportement, tel que révélé par la preuve non contredite, est conforme à celui d’un acheteur de bonne foi qui fait l’acquisition des actifs d’une entreprise en difficulté. 
[43]        Pellerin connaissait l’insolvabilité de 9135 et il devait savoir qu’une fois les créanciers hypothécaires payés, le solde disponible du prix de vente serait insuffisant pour payer tous les créanciers ordinaires.  Cependant, il ignorait que Blanchard était un des créanciers ordinaires, si bien qu’il ne pouvait pas savoir que Corriveau avait l’intention de faire en sorte que Blanchard ne reçoive rien. 
[44]        C’est pourquoi le Tribunal estime que Pellerin a repoussé la présomption à l’effet que 9246 a conclu le contrat d’achat d’actifs avec l’intention de frauder.  Ceci mène au rejet de la demande en inopposabilité.
Référence : [2014] ABD 48

Autre décision citée dans le présent billet:
 
1. Banque Nationale du Canada c. Soracchi, REJB 2000-16669 (C.A.).

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