vendredi 30 janvier 2015

Un délai d'un mois avant d'intenter des procédures en injonction provisoire est jugé trop long pour satisfaire au critère de l'urgence

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Si vous êtes un lecteur assidu d'À bon droit, vous savez que la question de l'urgence dans les procédures d'injonction provisoire ou d'ordonnance de sauvegarde m'importe beaucoup. C'est le cas parce que de telles ordonnances ne devraient être accordées que dans des circonstances exceptionnelles et parce que la procédure provisoire avantage grandement la partie demanderesse, laquelle devrait donc devoir démontrer une grande célérité pour s'adresser aux tribunaux. L'Honorable juge Louis Lacoursière partage ce point de vue dans l'affaire PCM Sales Canada inc. c. Dumas (2015 QCCS 1221) et juge qu'un délai d'un mois avant l'institution de procédures en injonction est trop long pour qu'on puisse parler d'urgence.
 


La Demanderesse recherche en l'instance une ordonnance d'injonction provisoire pour forcer les Défendeurs à respecter leurs obligations de non-concurrence continues dans leurs contrats d'emploi. Or, elle apprend que ces derniers vont travailler pour une concurrente les 19 décembre 2014 et 5 janvier 2015, mais elle n'intente ses procédures que le 23 janvier.
 
Selon le juge Lacoursière, il s'agit d'un délai trop long pour que l'on puisse véritablement parler d'urgence. Pour cette raison, il rejette la demande:
[12]        Vu que les conditions d’émission de l’injonction interlocutoire provisoire sont essentiellement les mêmes que celles de l’injonction interlocutoire sauf qu’elles sont appliquées plus rigoureusement; 
[13]        Vu qu’il y a lieu, à cet égard, de citer la Cour d’appel: 
[16]      Il importe de rappeler que l’ordonnance d’injonction interlocutoire est un bref de prérogative qui ne devrait être accordé qu’exceptionnellement et que lorsque toutes les conditions essentielles requises par la loi ont été respectées.  
[17]      Les règles qui s’appliquent à l’injonction provisoire doivent s’interpréter avec beaucoup plus de rigueur et on ne devra l’accorder que dans des cas extrêmement urgents où même le délai pour obtenir une injonction interlocutoire serait susceptible de préjudicier irrémédiablement aux droits des requérantes; s’agissant d’une mesure extrêmement exceptionnelle et urgente le juge devra être satisfait que les droits des requérantes seront irrémédiablement perdus ou affectés sérieusement, et que le préjudice subi ne sera pas compensable en argent, si on laisse écouler le délai nécessaire pour la présentation et l’audition de la demande d’injonction interlocutoire; c’est une mesure essentiellement temporaire et exceptionnelle pour éviter un mal évident, imminent et irréparable; s’il y a le moindre doute la demande doit être rejetée. 
[14]        Vu que la requête de PCM est datée et n’a été signifiée que le 23 janvier 2015; 
[15]        Vu que, bien qu’il soit conscient que l’urgence s’apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce, la procédure a été intentée plus d’un mois après la connaissance par PCM du départ de M. Dumas pour Quadbridge et 18 jours après la connaissance par PCM du départ de M. Maheux pour Quadbridge; 
[16]        Vu que le critère de l’urgence est d’autant moins satisfait que PCM explique notamment avoir retardé l’institution des procédures parce qu’elle voulait s’assurer que les intimés travaillaient pour Quadbridge alors qu’elle le savait dans un cas depuis le 19 décembre 2014 et dans l’autre depuis le 5 janvier 2015; 
[17]        Vu que l’envoi des lettres de mise en demeure à M. Dumas et M. Maheux le 19 janvier 2015, un mois après le 19 décembre et deux semaines après le 5 janvier 2015, ne saurait expliquer le délai à intenter les procedures; 
[18]        Vu que l’absence d’urgence suffit à rejeter le recours;
Référence : [2015] ABD 43

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