mardi 6 janvier 2015

Est valide la clause qui est fondée sur une condition qui est laissée à la discrétion du créancier

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà traité du fait qu'une clause qui donne à une des parties à un contrat un droit de modification unilatérale n'est pas, en soi, invalide en droit québécois. C'est plutôt la clause purement potestative - i.e. celle où la naissance de l'obligation relève de la discrétion du débiteur - qui est invalide comme le rappelle l'affaire Masella c. TD Bank Financial Group (2014 QCCS 5517).


Dans cette affaire, la Requérante recherche l'autorisation d'instituer un recours collectif contre l'Intimée pour le compte de "toute personne résidant au Québec qui a signé une entente visant une ligne de crédit sur valeur domiciliaire avec la Banque TD et dont l'entente, au cours de l'automne 2009, a fait l'objet d'une augmentation du pourcentage d'intérêt qui est ajouté au taux préférentiel TD pour calculer le taux d'intérêt annuel variable".

La Requérante allègue que l'article 12 de l'entente signée avec l'Intimée, lequel permettait à celle-ci d'imposer cette augmentation, est abusif, constitue une condition contractuelle purement potestative et contrevient à la Loi sur la protection du consommateur.
 
L'Honorable juge Kirkland Casgrain en vient à la conclusion que les arguments proposés par la Requérante sont mal fondés et il rejette la demande d'autorisation. Puisqu'il est d'accord avec les représentations de l'Intimée, le juge Casgrain reproduit les extraits pertinents du plan d'argumentation de cette dernière.
 
Sur la question de la condition potestative, il souligne que rien ne s'oppose à la validité d'une clause qui prévoit que le créancier de l'obligation décide de sa naissance à sa seule discrétion:
[9]            De nouveau, nous endossons les propos des procureurs de l'intimée; la réponse à cette question doit être négative : 
La notion liée à la nature potestative ou non d’une obligation est issue du droit français et a été intégrée depuis longtemps en droit civil québécois. Les principales intégrations de cette notion civiliste se retrouvent notamment aux articles 1500 et 1497 du Code civil du Québec:   
« 1500. L'obligation dont la naissance dépend d'une condition qui relève de la seule discrétion du débiteur est nulle; mais, si la condition consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose, quoique cela relève de sa discrétion, l'obligation est valable. »   
[Nous soulignons]  
Quant à l’article 1497 C.c.Q., il se lit comme suit :   
« 1497. L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en suspendant sa naissance jusqu'à ce que l'événement arrive ou qu'il devienne certain qu'il n'arrivera pas, soit en subordonnant son extinction au fait que l'événement arrive ou n'arrive pas. »  
La clause 12 du contrat de HELOC est fondée sur une condition qui est laissée à la discrétion du créancier (TD), non du débiteur (la Requérante). Cette distinction est cruciale en ce que la discrétion laissée au créancier est unanimement acceptable et valide selon la doctrine québécoise sur cette notion de base en droit des obligations.  
Selon les professeurs Didier Lluelles et Benoît Moore: 
« On déduit de [la rédaction de l’article 1500] que la condition dépendant du bon vouloir exclusif du créancier est valable […]. » 
Selon les auteurs Jean Pineau and Serge Gaudet:
« A contrario [de la rédaction de l’article 1500], on doit dire qu’une obligation est valable lorsqu’elle dépend de la discrétion du créancier. »
Selon le professeur Vincent Karim :
« En effet, si l’obligation relève de la seule volonté du créancier, elle sera alors valable puisque le débiteur contracte une véritable obligation. »
On retrouve ce principe et les mêmes motifs au soutien de ce principe en doctrine française, d’où origine ce concept du droit des obligations:
« Une seconde distinction peut alors être faite selon que la condition dépend de la volonté du créancier ou de celle du débiteur. Dans le premier cas, elle est valable; mais dans le second elle ne l’est plus. »
Référence : [2015] ABD 8

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