dimanche 11 janvier 2015

Dimanches rétro: le créancier qui exerce un recours contractuel ne renonce pas à exercer un recours différent en cas de faute contractuelle subséquente

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà discuté du fait que la renonciation à des droits contractuels, même si elle peut être implicite, doit être claire et non équivoque. De plus, en matière contractuelle, l'article 1590 C.c.Q. consacre la règle voulant que le créancier a le choix du recours à exercer en cas de défaut, tout comme le fond plusieurs contrats. Ainsi, le choix par un créancier d'un recours particulier en cas de défaut contractuel de la part du débiteur n'entraîne pas renonciation à ses autres recours en cas de défaut contractuel subséquent. C'est ce que la Cour suprême du Canada indiquait dans  Côté et La Caisse Populaire de Montmorency Village c. Sternlieb et Clarfeld ([1958] R.C.S. 121).
 


Les faits de l'affaire sont les suivants:
 
Les parties ont conclu une entente par laquelle l'Appelant reconnaissait avoir reçu des Intimés une somme de 1 240$ qu'il s'obligeait à rembourser en onze versements égaux, mensuels et consécutifs de $50 et un douzième et dernier paiement au montant de $690. Pour garantir l'exécution de ses obligations, l'Appelant donna une hypothèque sur un immeuble.
 
L'Appelant a fait défaut de rembourser le prêt tel que prévoit à l'entente puisqu'il n'a pas effectué le 8e versement. Les Intimés avaient alors le droit contractuel de procéder par voie de dation en paiement sur l'immeuble donné en garantie. C'est ce droit que les Intimés choisissent d'exercer.
 
L'Appelant fait valoir que les Intimés ne peuvent se prévaloir de la clause de dation en paiement puisque lors d'un défaut de paiement antérieur, ils avaient plutôt choisi de prendre une action sur compte contre le débiteur pour $51. Selon l'Appelant, il s'agissait là d'une renonciation par les Intimés de leur droit d'exercer la clause de dation en paiement en cas de défaut subséquent.
 
L'Honorable juge Fauteux, au nom d'un banc unanime, indique que l'argument de l'Appelant doit être mis de côté. En effet, le choix par le créancier d'un recours particulier n'implique pas renonciation à son droit futur d'exercer un autre recours en cas de nouveau manquement contractuel:
Qu'une telle proposition puisse être fondée relativement à la prestation due en mai, il ne s'ensuit pas qu'elle le soit pour les prestations mensuelles subséquentes. Dans le cas de prestations périodiques de la part du débiteur, il y a autant d'obligations distinctes qu'il y a de périodes en déterminant l'échéance, et l'occasion pour le créancier d'exercer, s'il en décide, et la nécessité dans ce cas de choisir son recours ne s'avèrent qu'au moment et à chaque fois que se présente le fait juridique donnant ouverture aux divers recours prévus en la convention, soit un défaut du débiteur. Dans l'espèce, Côté avait à chaque mois l'obligation de faire à échéance un versement et tout défaut de satisfaire à cette obligation mensuelle donnait aux intimés le droit d'exercer et choisir alors l'un des divers recours. Rien en fait ou en droit ne justifie de dire que l'élection du recours adopté pour le recouvrement du versement de mai impliquait, de la part des intimés, une renonciation au droit de choisir, advenant et à chacun des défauts subséquents, l'un des recours prévus à la convention. Côté ne peut se plaindre de la tolérance des intimés qui n'ont opté pour la dation en paiement que bien après la date où, suivant les termes précis de la convention, la totalité du prêt aurait dû être remboursée, et alors qu'en raison des circonstances déjà indiquées, et particulièrement du délai non défini qu'il rechercha et obtint de la Caisse Populaire en violation virtuelle de son obligation à l'endroit des intimés, la précarité du recouvrement de leur prêt était devenue manifeste. En l'interpellant en justice, les intimés lui signifièrent formellement leur volonté de faire jouer la clause de dation en paiement et le constituèrent en demeure de leur signer, tel qu'il y était tenu suivant la convention, un acte confirmatif de cette dation: art. 1067 C.C.; Bank of Toronto v. St. Lawrence Fire Insurance Company. Ce premier moyen doit donc être écarté.
Référence : [2015] ABD Rétro 2

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