vendredi 26 décembre 2014

Rappel sur l'accès à la preuve saisie dans le cadre d'une ordonnance Anton Piller

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En ce lendemain de Noël, commençons par un rappel sur la possibilité d'avoir accès à la preuve saisie lors de l'exécution d'une ordonnance Anton Piller. En août 2013, nous avions traité de la décision de la Cour d'appel dans IMS Health Canada Inc. c. Th!Nk Business Insights Ltd. (2013 QCCA 1303) où l'Honorable juge Clément Gascon nous enseignait que l'accès par la partie saisissante à la preuve saisie pour les fins de justifier la validité de l'ordonnance obtenue est loin d'un automatisme. Dans Arcelormittal Montréal inc. c. L. Bélanger Métal inc. (2014 QCCA 2328), l'Honorable juge Guy Gagnon revient sur cette même question. 
 


La Requérante sollicite la permission d'en appeler d'un jugement de première instance qui lui a refusé accès à la preuve saisie auprès des Intimés dans le cadre de l'exécution d'une ordonnance Anton Piller. Elle désire obtenir cette preuve pour contester la requête des Intimés en annulation de cette ordonnance.
 
Dans notre billet de l'an dernier, nous écrivions ce qui suit à propos des enseignements de la Cour d'appel sur la question:
Il en vient ensuite à la conclusion qu'il est erroné de prétendre que la partie saisissante pourra toujours avoir accès aux biens saisis pour les fins de la demande de cassation de l'ordonnance. Au contraire, l'objectif de la conservation de la preuve et le retrait des mains de la partie saisie étant atteints, il appartiendra à la discrétion du juge de déterminer si la partie saisissante doit avoir accès aux biens: 
[60] Selon moi, contrairement à ce qu'elle soutient, dans l'état actuel du droit, il n'y a pas de droit d'accès immédiat et automatique à la preuve saisie à l'occasion de chaque débat sur une requête en annulation d'une ordonnance Anton Piller.   
[61] Je reconnais que, lors du débat sur la requête en annulation, le juge procède de novo à l'analyse de la justification de l'ordonnance prononcée. De ce fait, cela permet le dépôt d'une preuve, même postérieure à l'ordonnance rendue ex parte. Cependant, il ne va pas de soi que cela comprend nécessairement et en tout temps la preuve saisie.   
[62] Lorsque lue correctement, je considère que la jurisprudence pertinente indique plutôt qu'il s'agit chaque fois de l'exercice d'une discrétion du juge d'instance appelé à statuer sur la question. À mes yeux, cette discrétion est principalement tributaire des circonstances propres au dossier concerné, des motifs d'annulation invoqués et de l'intérêt de la justice.   
[63] Ici, quoique peu explicité par le premier juge, l'exercice de cette discrétion justifiait à mon avis de refuser à l'appelante l'accès à la preuve saisie pour le moment. Les motifs d'annulation des intimés s'attaquent justement à la légalité des paragraphes de l'ordonnance portant 1) sur l'accès à la preuve saisie et 2) sur la description des biens et documents visés. Dans ce contexte, j'estime l'appelante mal venue d'invoquer leur libellé pour justifier son droit d'accès ou la pertinence alléguée de la preuve à laquelle elle prétend. Je rappelle qu'elle ne connaît toujours pas la teneur exacte de ce dont elle s'est accaparée.
Ce sont ces mêmes paroles du juge Gascon que cite le juge Gagnon en refusant la permission d'en appeler. Il ajoute que le jugement attaqué n'a pas non plus la finalité  requise par l'article 29 puisque le juge saisie de la requête en annulation de l'ordonnance Anton Piller pourra toujours donner accès à la preuve saisie s'il le juge approprié:
[11]        La question du droit du saisissant d’accéder à la preuve confisquée à l’occasion de l’exécution d’une ordonnance de type Anton Piller a été répondue de manière exhaustive dans l'arrêt de notre Cour rendu dans l’affaire IMS Health Canada inc. c. Think Business Insights Ltd.. Le juge Gascon (alors à la Cour d'appel) écrit : 
[...]       
[12]        Un jugement interlocutoire jouira de l'autorité de la chose jugée que s’il se prononce sur les droits des parties et préjuge le fond. Ce n’est pas le cas en l’espèce et la décision interlocutoire contestée ne peut avoir pour effet de lier le juge appelé à trancher la contestation de l’ordonnance en cause. 
[13]        Contrairement à ce que soutient ArcelorMittal, la demande de dévoilement présentée au juge des requêtes n'a pas définitivement été réglée par la décision interlocutoire entreprise. Au final, il appartiendra au juge du fond appelé à se prononcer sur la demande d’annulation de l'ordonnance Anton Piller d'exercer sa discrétion dans le sens de permettre ou pas, selon le cas, une divulgation complète ou partielle des éléments saisis, et ce, aux conditions qu'il jugera alors opportunes d’ordonner.
Référence : [2014] ABD 515

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