Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
L'expert unique, qu'il soit nommé par la Cour ou qu'il soit commun aux parties, est dans une position plus difficile que l'expert qui n'agit que pour une partie. En effet, il doit faire attention à ne pas donner l'impression par son comportement qu'il favorise une partie plutôt qu'une autre. Reste que pour faire disqualifier un tel expert, il faut démontrer une apparence sérieuse de partialité. Ce test n'est pas satisfait par le simple fait que l'expert ai rencontré une partie en l'absence de l'autre comme l'indiquait la Cour d'appel dans Droit de la famille — 141212 (2014 QCCA 1071).
Dans cette affaire, l’Appelante se pourvoit contre un jugement qui a récusé l’expert psychologue nommé par la Cour et retiré son rapport du dossier du tribunal au motif que celui-ci avait rencontré une partie en l'absence de l'autre.
Au nom d'un banc unanime, l'Honorable juge Paul Vézina est d'avis que le pourvoit doit être accueilli. En effet, sans preuve autre qu'une simple rencontre avec une des parties, on ne pouvait conclure à une crainte raisonnable de partialité selon le juge Vézina:
[25] On peut comprendre la Juge qui a voulu calmer la tension dans cette affaire « où les émotions sont à fleur de peau ». D’autant plus qu’elle ajoute ne pas remplacer l’expert récusé car « la preuve des faits suffira à permettre au tribunal de rendre jugement ». En quelque sorte, puisque le rapport et la déposition de l’expert ne lui sont pas nécessaires pour trancher et qu’ils sont à l’origine d’une vive émotion chez le père, elle semble choisir de les écarter pour l’apaiser.
[26] Si l’intention est louable, il n’en reste pas moins que la mère est privée d’une preuve utile, sinon pour la Juge, du moins pour un pourvoi. Et aussi pour l’avenir si la garde des enfants est remise en question; en effet, dans les affaires familiales, la preuve accumulée au fil des années est conservée et le juge appelé à réévaluer une situation en prend connaissance.
[27] En outre, le critère de récusation exige d’avoir « étudié la question, à la fois à fond et d’une façon réaliste ».
[28] Une étude à fond n’était possible qu’en interrogeant l’expert sur sa rencontre à l’heure du lunch, sur les sujets abordés, sur la nature et la mesure de l’intervention de l’avocate de la mère à cette occasion, etc. Il aurait été alors loisible à la Juge, sans récuser l’expert, d’évaluer sa crédibilité et le poids à accorder à son avis.
[29] Une étude réaliste permet de croire qu’il est improbable que la rencontre constitue une tentative d’influencer l’expert puisqu’il était déjà favorable à la garde exclusive recherchée par la mère. À ce sujet, celle-ci écrit dans son exposé :
17. En effet, la juge de première instance aurait dû prendre en considération notamment le fait que tous, incluant elle-même, connaissaient depuis longtemps les conclusions de l’expert […]. Tous les intervenants au dossier savaient que l’expert […], dont les recommandations avaient été suivies et intégrées à la décision du juge Dumas en novembre 2010, avait à nouveau pris position en faveur de la demanderesse et qu’il recommandait le maintien de la garde exclusive auprès de cette dernière.
18. Il est pour le moins farfelu [sic] de craindre qu’il soit devenu partial ou qu’il ait pu manquer d’objectivité après avoir rencontré la procureure de la demanderesse, sur l’heure du midi, puisque les conclusions de son rapport étaient déjà connues et produites au dossier de la Cour depuis neuf mois.
[30] Au départ, la subornation d’un professionnel, témoin expert, est peu réaliste.
[31] Encore une fois, l’objectif poursuivi par la Juge était généreux, mais « le diable se cache souvent dans les détails » de la procédure.
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