jeudi 18 décembre 2014

L'importance capitale de la divulgation franche et complète en matière de saisie avant jugement

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Une partie à un dossier judiciaire a toujours l'obligation de présenter les faits pertinents à la Cour, mais cette obligation est amplifiée exponentiellement lorsqu'il s'agit d'une matière qui procède ex parte. En effet, le juge saisi d'une telle demande doit pouvoir faire confiance à la présentation des faits qui lui est faite par la requérante. Défaut de respecter ce devoir emportera la cassation de l'ordonnance obtenue comme l'illustre l'affaire Rhéaume c. Dazé (2014 QCCS 6001).


Dans cette affaire, l'Honorable juge Claude Auclair est saisi d'une requête en cassation d'une saisie avant jugement au motif d'insuffisance de l'affidavit. Trois des Défendeurs demandent l'annulation de la saisie au motif que les Demandeurs n'ont pas complètement divulgué les faits pertinents à l'affaire dans l'affidavit à l'appui de la réquisition.
 
En effet, les Demandeurs avaient obtenu une première saisie avant jugement qui a été cassée pour cause d'insuffisance. Or, dans l'affidavit à l'appui de la deuxième saisie, l'affiant ne mentionne pas la cassation de cette première saisie.
 
Pour le juge Auclair, cette absence de divulgation complète est fatale à la deuxième saisie et implique une insuffisance des allégations:
[8]           La Cour d’appel – dans l’affaire Marciano – s’est prononcée sur la portée de l’obligation de divulgation franche et complète, qui – sous la plume du juge Dalphond – cite l’approbation de la Cour d’appel au jugement du juge Dufresne – alors à notre Cour – dans l’affaire Microcell qui mentionne – et c’est cité au paragraphe 46 du jugement Marciano :  
« [16] Malgré que ces principes aient été énoncés dans le cadre d'une injonction Mareva qui, en soi, a un caractère bien exceptionnel et malgré l'existence d'une règle de pratique de l'Ontario Court of Justice (General Division), règle qui ne trouve pas son équivalent dans nos règles de procédure, l'obligation de divulgation complète et franche peut trouver néanmoins application en matière d'autorisation ou d'ordonnance obtenue ex parte, en l'absence de l'autre partie. » 
[9]           Et le juge Dufresne continue : 
« [17] Cette obligation découle du caractère exceptionnel d'une ordonnance ou d'une autorisation obtenue dans pareille condition. (…)  
[18] L'obligation de divulgation franche et complète (« full and frank disclosure ») existe et est d'autant plus grande que le remède recherché en est un d'exception. Une requête pour demander l'émission d'une citation à comparaître pour outrage au tribunal présentée ex parte à un juge est nécessairement une procédure d'exception, la règle étant la procédure contradictoire.  
[19] La partie qui obtient une autorisation d'un juge à la suite d'une demande entendue ex parte s'expose à voir sa demande rejetée subséquemment s'il devait être démontré que des faits significatifs pour la décision du juge d'émettre l'autorisation avait fait l'objet d'omission délibérée ou stratégique de la part de celui qui recherchait l'autorisation. L'omission doit évidemment être flagrante.  
[20] Bien que cette obligation peut nécessiter l'allégation de faits qui pourraient être favorables à la défense, cette obligation ne va toutefois pas jusqu'à obliger la partie qui recherche une autorisation d'inclure dans sa requête les moyens de défense que pourrait faire valoir la partie visée par l'autorisation. L'omission reprochable porte essentiellement sur des faits déterminants et connus de la partie qui recherche l'autorisation.  
[Emphasis added] » 
[10]        Après avoir fait sien le jugement du juge Dufresne dans Microcell – le juge Dalphond est en accord avec ce dernier avec le « full and frank disclosure » qui s’appliquera dans toutes les causes où une ordonnance est rendue ex parte sans la version de l’autre partie. C’est – entre autres – le cas dans notre présente affaire où une saisie avant jugement est obtenue en l’absence de la partie adverse. 
[...] 
[21]        Le Tribunal souligne que le jugement Nollet est d’une telle importance qu’il était nécessaire que l’affiant – s’il voulait obtenir une nouvelle saisie avant jugement – devait obligatoirement le mentionner clairement au lecteur pour éviter que le juge en chambre puisse émettre la saisie avant jugement en ayant pris une fausse piste. 
[22]        En conséquence, l’importance de l’omission de même que le dommage causé à la défenderesse Cabana – et considérant que l’affidavit ne peut être modifié ni amendé – le Tribunal casse les saisies avant jugement pratiquées dans la présente instance à l’égard de Jonathan Dazé, Déneigement Repentigny et Sylvie Cabana.
Référence : [2014] ABD 503

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