Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Sur mon blogue, j'ai déjà discuté dans le passé des doutes importants qu'avait émis la Cour d'appel à l'égard de la possibilité pour les tribunaux de forcer quelqu'un à s'excuser. C'est pourquoi j'ai avec grand intérêt l'affaire Thibeault c. Ramoul (2014 QCCS 5793) où l'Honorable juge Micheline Perrault traite de la question et en vient à la conclusion que ce genre d'ordonnance ne devrait pas être émis.
Un rappel quant à la trame factuelle.
Dans cette affaire, le Demandeur intente des procédures en injonction et en dommages en alléguant la diffamation de la part du Défendeur. Plus spécifiquement, le Demandeur reproche au Défendeur, d’avoir transmis un courriel, le 21 août 2012, dont le but était de porter atteinte à sa réputation. Il demande au Tribunal d’émettre les ordonnances suivantes :
« ORDONNER au défendeur de transmettre un courriel d’excuses au demandeur et lui ordonner de le transmettre en copie conforme à tous les collègues de travail du demandeur et tous les intervenants du milieu de la construction au Nunavut;
ORDONNER au défendeur de cesser de porter atteinte à la réputation du demandeur, que ce soit auprès de ses collègues de travail, de ses employeurs ou des intervenants du milieu de la construction;»
À l'égard de la première de ces conclusions, la juge Perrault, citant la Cour d'appel, est d'avis qu'une telle ordonnance n'est pas appropriée dans les circonstances :
(50) Quant à l’ordonnance à M. Ramoul de transmettre à M. Thibeault un courriel d’excuses et « de le transmettre en copie conforme à tous les collègues de travail du demandeur et tous les intervenants du milieu de la construction au Nunavut », la Cour d’appel a refusé une mesure semblable dans l’affaire Genest :
(...)
(51) Dans un premier temps, le Tribunal s’interroge sur l’exécution d’une telle ordonnance alors qu’aucun texte d’excuses n’est proposé par M. Thibeault et que les personnes devant recevoir une copie de ce courriel ne sont pas identifiées de façon précise. Dans un deuxième temps, le Tribunal n’est pas convaincu de l’opportunité de forcer M. Ramoul à un acte de contrition auquel il ne croit pas, d’autant plus que les faits reprochés remontent à plus de deux ans.
Est-il donc possible d'obtenir une telle ordonnance ? La question reste ouverte puisque aucune décision - à ma connaissance - n'indique clairement qu'il n'est pas possible d'obtenir une telle ordonnance en droit québécois. Reste que - selon moi - il ne devrait jamais être possible d'obtenir une telle ordonnance puisqu'il heurte très clairement les principes de la liberté d'expression de forcer quelqu'un à dire quelque chose qu'il ne pense pas.
À cet égard, il convient de rappeler que la Cour suprême du Canada en est venu à la conclusion - dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) (1995 3 RCS 199) - que le fait d'exiger que les fabricants de tabac apposent sur les produits du tabac des messages non attribués relatifs à la santé portait atteinte au droit à la liberté d'expression.
À suivre...
Référence : [2014] ABD 506
Le présent billet a initialement été publié sur le site d'actualités juridiques Droit Inc. le 10 décembre 2014.
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