lundi 22 décembre 2014

Clarification importante de la Cour d'appel sur le devoir d'information et le devoir de s'informer

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons fréquemment discuté récemment du devoir d'information et de son corollaire le devoir de s'informer. D'intérêt particulier sont les situations où le comportement d'une partie vient enrayer le devoir d'information de la partie adverse. C'est pourquoi j'ai trouvé la décision récente rendue par la Cour d'appel dans Soft Informatique inc. c. Gestion Gérald Bluteau inc. (2014 QCCA 2330) très intéressante.
 


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoi à l'encontre d'un jugement de première instance qui a accueilli le recours des Intimés en réclamation du solde de prix de vente d'actions d'une société et rejeté le recours de l'Appelante en dommages-intérêts pour fausses représentations.
 
Essentiellement, le juge de première instance en est venu à la conclusion que les acheteurs - des gens d'affaires expérimentés - avaient le devoir de s'informer sur le sort de crédits d'impôts à la recherche pour la compagnie dont ils acquéraient les actions.
 
L'Honorable juge Jean Bouchard, au nom d'un banc unanime de la Cour, accueille les pourvois et renverse le jugement de première instance. En particulier, il indique que c'est à tort que le juge de première instance en est venu à la conclusion que les acquéreurs, en raison de leur expérience en affaires, avaient le devoir de s'informer de la situation afférente aux crédits d'impôts.
 
À ce chapitre, le juge Bouchard indique en effet que lorsque les circonstances sont telles que l'acheteur devrait pouvoir faire confiance à l'information qu'on lui donne, on ne pourra lui reprocher de ne pas s'être suffisamment renseigné:
[63]        Le juge de première instance fait grand cas de l’expérience et des qualifications des acquéreurs. Il est également d’opinion que ces derniers savaient que les crédits d’impôt demandés par Soft Informatique étaient soufflés et que, dès lors, ils ont pris un risque calculé en ne cherchant pas à se renseigner davantage avant de conclure la vente. 
[64]        Les choses ne sont pas si simples. Certes, les acquéreurs sont des gens d’affaires avertis, mais vient un moment où il ne peut plus être reproché à une partie à un contrat de ne pas poursuivre sa recherche de renseignements, et ce, en raison du climat de confiance qui s’installe et des garanties et représentations qui sont faites par l’autre partie. C’est le cas en l’espèce. 
[...] 
[70]        Lors de la rencontre du 18 janvier 2008, Gérald Bluteau informe les acquéreurs que les demandes de crédits d’impôt sont ainsi faites que c’est le maximum qui est demandé et qu’il est donc possible que l’ARC procède à des coupures mineures. Gérald Bluteau donne l’exemple du salaire de 13 000 $ par année de sa femme qui est réclamé pour des travaux de recherche alors qu’elle n’en fait pas. Il évoque ensuite le salaire de 7 000 $ d’une secrétaire qui est aussi réclamé à l’ARC et qui ne devrait pas l’être. 
[71]        Bref, Gérald Bluteau se fait rassurant. Il ne peut s’agir que de petites coupures. C’est d’ailleurs la perception que Gilles Lefrançois a des propos tenus par ce dernier : 
[...] 
[73]        Compte tenu du climat de confiance qui règne, du silence de Gérald Bluteau sur un élément capital, que les parties se parlent tous les jours et s’échangent de l’information, que les acquéreurs ont demandé de pouvoir communiquer avec l’ARC et enfin, des garanties contractuelles données par Gérald Bluteau lors des négociations, j’en viens à la conclusion que le juge de première instance a commis une erreur déterminante en concluant que les acquéreurs ne peuvent se plaindre d’une coupure de 606 750 $ alors que le montant réclamé était de 1 011 250 $. 
[74]        Les acquéreurs n’ont pas manqué à leur obligation de se renseigner. Ils ont bel et bien été induits en erreur par Gérald Bluteau. Se pose donc la question de savoir si cette erreur est déterminante au point où les acquéreurs n’auraient pas payé un si haut prix pour les actions de Soft Informatique.
Référence : [2014] ABD 507

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