Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Très court billet cet après-midi pour discuter erreur, erreur inexcusable et fardeau de la preuve. En effet, dans l'affaire Bell Canada c. Zhang (2014 QCCS 6138), l'Honorable juge Pierre Ouellet souligne que lorsqu'une partie fait la preuve d'un vice de consentement au motif de l'erreur, le fardeau pèse sur la partie adverse de démontrer que cette erreur avait un caractère inexcusable.
Dans cette affaire, la Demanderesse présente une demande d’injonction permanente afin qu’il soit ordonné aux Défendeurs de respecter leurs obligations aux termes d’un acte de servitude l’autorisant à implanter sur leur propriété des conduits et des cabinets contenant des équipements de téléphonie et de télécommunication.
En défense, les Défendeurs demande la nullité de l'acte de servitude pour cause d'erreur. En effet, ils allèguent que cette erreur a vicié leur consentement.
Le juge Ouellet en vient à la conclusion que les Défendeurs ont effectivement commis une erreur qui a vicié leur consentement. Puisque la Demanderesse plaide que cette erreur est inexcusable, le juge Ouellet souligne que c'est elle qui a le fardeau de le prouver:
[42] Cette notion d’erreur inexcusable, introduite dans le nouveau Code civil du Québec (art. 1400 C.c.Q.) est décrite de la façon suivante par le professeur Jobin :
«(…) Au Québec, pour priver la victime d’une erreur de son droit de demander la nullité du contrat, il faut à tout le moins que la preuve de sa faute soit très claire et que l’on tienne compte de facteurs tels que son inexpérience dans le domaine. Pour évaluer le caractère inexcusable de l’erreur, la jurisprudence doit tenir compte des circonstances particulières de chaque espèce et adopter une appréciation in concreto de l’erreur; elle fera peser dans la balance notamment (comme pour la crainte d’ailleurs) l’âge, l’état mental, l’intelligence, et la position professionnelle ou économique des parties.
Quant à la notion même d’erreur inexcusable, question délicate, d’abord, choisir la faute ordinaire comme point de référence serait inapproprié, car, l’erreur inexcusable étant une exception à la nullité pour erreur, cette exception doit être interprétée restrictivement, afin d’assurer une protection adéquate du consentement. À notre avis, il paraîtrait tout à fait convenable de faire équivaloir l’erreur inexcusable à la faute lourde. En effet, introduire un troisième concept entre ceux de faute ordinaire et faute lourde apporterait bien peu; l’exercice s’avèrerait une source de distinctions byzantines, dont le droit n’a que faire. La notion de faute lourde a l’avantage de faire déjà l’objet d’une définition légale (article 1474) et d’une jurisprudence abondante, dont on pourrait tirer profit par analogie. C’est d’ailleurs une notion plus ou moins précise, qui laisse au juge toute la marge d’appréciation nécessaire pour rendre justice.
Le comportement du cocontractant peut avoir des répercussions sur le caractère inexcusable de l’erreur. Quand il manque à son obligation d’agir de bonne foi dans la formation du contrat (par exemple par des manœuvres de nature à surprendre la partie qui invoque l’erreur, ou en omettant de la renseigner comme il devait le faire), l’erreur qui autrement serait inexcusable (par exemple, ne pas lire la convention que l’on signe) deviendra très souvent excusable. Ainsi, le principe de la bonne foi a une incidence directe sur la règle particulière de l’erreur inexcusable.»
[43] Vu qu’elle est une exception à la règle de l’absence d’un consentement donné d’une façon éclairée, il revient à Bell de démontrer au Tribunal que l’erreur est inexcusable; à cet effet, son avocat nous expose
Référence : [2014] ABD 508
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