dimanche 9 novembre 2014

Dimanches rétro: les circonstances dans lesquelles on peut obtenir la peine stipulée à une clause pénale et des dommages pour non exécution

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le principe général veut que le créancier d'une clause pénale a un choix à faire : soit il se prévaut de la clause pénale, soit il réclame l'exécution de l'obligation du débiteur (en nature ou par équivalent). Il est fait exception à cette règle lorsque la pénalité est stipulée pour le retard à exécuter l'obligation - principe qui est codifié à l'article 1622 C.c.Q. Dans Desrosiers c. Gauthier ([1978] 1 RCS 308), la Cour suprême discutait de l'application de cette exception.



Dans cette affaire, l’Intimé avait contracté avec les Appelants pour construire une piste de course moyennant le prix de 9 000$. Le contrat d’entreprise stipulait une pénalité de 100$ pour chaque jour de retard dans l’exécution.

L'Intimé a abandonné les travaux alors qu’il n’avait complété que la moitié environ de ceux-ci pour lesquels il avait reçu 4 500$.
 
Les Appelants ont institué un recours civil contre l'Intimé pour réclamer simultanément le coût des travaux nécessaires pour compléter le contrat et les dommages dus aux termes de la clause pénale.
 
Tant le juge de première instance que la Cour d'appel ont accueilli le recours en dommages des Appelants, mais ne leur ont pas accordé la pénalité.
 
L'Honorable juge de Grandpré, au nom d'un banc unanime, rejette le pourvoi au motif que le calcul correct des dommages revient au même. Il souligne cependant qu'il s'agit d'une des circonstances où le créancier a droit à la pénalité et à des dommages, et ce même s'il y a eu abandon des travaux:
A ce texte, il faut évidemment ajouter toute la section VI du c. 7, ainsi que l’art. 1065 C.c. Deux types de clauses pénales sont permises par la loi, celle qui liquide les dommages dus à l’inexécution et celle qui est stipulée pour le simple retard. Dans le premier cas, le créancier a le devoir de choisir entre l’exécution et la peine. Dans le second cas, un tel choix ne lui est pas imposé; le créancier peut obtenir et l’exécution, ou les dommages qui en tiennent lieu, et la peine stipulée pour le retard. A noter que le deuxième alinéa de l’art. 1133 C.c. est au même effet que le deuxième alinéa de l’art. 1229 du code français. Comme l’ont noté les codifïcateurs à la page 21 du rapport pertinent, les articles de la section VI «ne s’écartent des règles contenues dans les articles du code français de 1226 à 1233, que par l’omission de l’article 1229 qui déclare que la peine est la compensation des dommages-intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation». L’omission, dont parlent les codificateurs, réfère évidemment au seul premier alinéa de l’art. 1229. Dans l’étude de la question, il est donc loisible de s’appuyer tant sur les autorités françaises que sur les autorités québécoises. 
Il n’est pas sérieusement contesté que «l’exécution effective de l’obligation principale peut se cumuler avec l’exigence de la peine prévue pour retards» (Juris-classeur civil, art. 1226-1233, n° 117). Mais l’intimé soumet que ce cumul n’est pas permis lorsque l’exécution effective est remplacée par des dommages-intérêts compensatoires, comme en l’espèce, et les tribunaux du Québec ont été d’accord avec lui. Je ne suis pas de cet avis. Nous ne sommes pas ici devant un cas d’inexécution complète sur laquelle la Cour de cassation s’est penchée à plusieurs reprises, par exemple dans l’arrêt Soc. des Ateliers Atlas c. Soc. L’Oyonnithe. Nous n’avons donc pas à décider quelle serait notre conclusion dans ce cas.  
[...] 
Je conclus donc que le propriétaire peut en même temps réclamer le coût excédentaire des travaux qui restent à faire et la pénalité stipulée dans la clause pénale. Comme je l’ai souligné plus haut, le problème pratique en l’espèce est de calculer le nombre de jours pendant lesquels sera payable la somme de $100 stipulée par la clause pénale pour chaque jour de retard. Lorsque de fait les travaux ont eu lieu, comme le souligne M. le juge Montgomery, la date de terminaison des travaux permet un calcul facile des dommages liquidés. Si, comme en l’espèce, les travaux n’ont pas été exécutés, il faut déterminer le délai nécessaire à leur exécution raisonnable. Malheureusement, nous n’avons pas le bénéfice d’un dossier complet sur la question et il nous faut retrouver les éléments de la solution dans quelques bribes de preuve. Ces éléments me semblent les suivants: 
(1) le délai ayant été prolongé du 1er mai au 1er juin 1972, le point de départ dans le calcul des dommages liquidés doit être cette dernière date;  
(2) le contrat prévoyait en gros une période d’exécution de 110 jours et l’intimé, dans son témoignage, a affirmé qu’il croyait pouvoir compléter le tout en 45 jours;  
(3) environ la moitié des travaux avait été faite au moment où l’entrepreneur a quitté les lieux au début de mai;  
(4) dès ce départ, le propriétaire était en mesure de confier les travaux à quelqu’un d’autre et on peut tenir qu’ils auraient pu être terminés 60 jours plus tard, compte tenu de la conclusion du premier juge que ces travaux étaient plus facilement exécutables pendant la saison froide. 
Sur ces faits qui, encore une fois, sont bien incomplets et bien imprécis, on peut conclure que les travaux, s’ils avaient été entrepris dès le départ de l’entrepreneur-intimé, auraient pu être complétés vers la mi-juillet, soit 45 jours après le 1er juin. Le propriétaire aurait donc droit à des dommages de $4,500 à raison de la clause pénale. 
Si ce n’était du point qu’il me reste à traiter, le pourvoi devrait donc être accueilli et l’intimé condamné à payer une somme supplémentaire de $4,500 s’ajoutant à la somme mentionnée dans le jugement dont appel. Toutefois, il y a une compensation à établir. Comme le souligne M. le juge Montgomery, si l’entrepreneur-intimé avait complété les travaux en conformité du contrat, il aurait eu droit à la deuxième tranche du paiement soit à la somme de $4,500. Lorsque le premier juge a évalué à $5,459.05 le coût des travaux à effectuer après le 1er mai 1972, il a conclu en substance que le propriétaire, par le défaut de l’entrepreneur, devait encourir une dépense supplémentaire de $959.05, soit la différence entre le coût des travaux à être effectués par un deuxième entrepreneur ($5,459.05) et le prix ($4,500) qu’aurait dû débourser le propriétaire pour la deuxième partie des travaux si l’entrepreneur-intimé avait respecté ses obligations. Par erreur, le premier juge, au lieu d’accorder seulement cette différence de $959.05, a accordé le plein montant des travaux à effectuer, soit $5,459.05. Le résultat net, c’est qu’aux termes du jugement de la Cour supérieure, le propriétaire reçoit $4,500 de plus qu’il aurait dû toucher. Il n’y a pas ici d’appel incident, ce qui ne nous empêche pas d’effectuer compensation entre le montant en trop accordé par la Cour supérieure et le montant dû aux termes de la clause pénale. Comme ces deux montants sont égaux, savoir $4,500, il me faut conclure que le pourvoi devrait être rejeté.
Référence : [2014] ABD Rétro 45

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