mercredi 1 octobre 2014

Le droit d'une partie d'assister à un interrogatoire préalable n'est pas absolu et peut être modulé par la Cour

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Un des principes fondamentaux de la justice civile est le droit de toutes les parties d'assister à leur cause et toutes ses composantes. Cela inclut bien sûr le droit d'assister aux interrogatoires préalables tenus dans le dossier. Reste que comme presque tous les principes, ce droit n'est pas absolu et peut être modulé par les tribunaux lorsque les circonstances le justifient. C'est ce que nous enseigne la Cour d'appel dans Dallaire c. Girard (2014 QCCA 1790).
 

Dans cette affaire, l'Appelant se pourvoit contre un jugement qui a statué qu'il ne pouvait assister à l'interrogatoire préalable de l'Intimé que par vidéoconférence. En effet, le juge de première instance (l'Honorable juge Benoit Emery) a jugé que les circonstances de l'affaire - l'Intimé accuse l'Appelant de lui avoir proféré des menaces de mort et de lésions corporelles - justifiaient des accommodement particulier pour la tenue de l'interrogatoire.
 
Les Honorables juges Rochette, Bouchard et Doyon, dans une décision unanime, sont d'avis que l'exercice par le juge de première instance de sa discrétion en la matière était raisonnable:
[14]        Cette demande n’est pas hors norme.  L’article 45.2 du Règlement de procédure civile énonce, depuis un amendement qui remonte à 2004, que : 
45.2 Vidéo-conférences. Le tribunal peut autoriser un interrogatoire préalable, un interrogatoire sur affidavit ou l'interrogatoire d'un témoin hors de cour, par vidéo-conférence ou par tout autre mode de communication, si la façon proposée d'y procéder lui paraît fiable et proportionnée aux circonstances de l'affaire et compte tenu des installations accessibles.  
45.2 Videoconferencing. The Court may authorize an examination on discovery, an examination on an affidavit or an examination of a witness out of court to be held by way of videoconference or by any other means of communication, if the manner proposed for proceeding appears to the Court to be reliable and proportional to the circumstances of the case and taking into account the available facilities.  
[Soulignement ajouté] 
[15]        Cette disposition confère donc au juge le pouvoir d’autoriser l’interrogatoire préalable d’un témoin par vidéo-conférence « si la façon proposée d'y procéder lui paraît fiable et proportionnée aux circonstances de l'affaire ».  Cette situation approche la nôtre dans laquelle l’intimée doit être interrogée selon un mode fiable, personne ne le conteste, par l’avocat de l’appelant Callocchia, ce dernier assistant à l’interrogatoire en temps réel par visioconférence, tout en communiquant avec son avocat, en temps réel également, par tout moyen technologique. 
[16]        Qu’en est-il de la proportionnalité ? 
[17]        Le juge rappelle que l’appelant Callocchia « fait l’objet d’accusations criminelles pour menaces de mort » sur la personne de l’intimée.  Cet état de fait justifie d’emblée, de son point de vue, d’éviter que l’interrogatoire préalable de cette dernière se déroule en présence de l’appelant.  Le juge a raison. 
[18]        Il existe un lien étroit entre la crainte alléguée dans la requête introductive d’instance telle que précisée et les accusations criminelles portées contre l’appelant Callocchia.  Les faits pertinents sont les mêmes dans les deux cas.  L’intimidation et la menace reprochées à l’appelant sont au cœur du débat.  Cette situation exceptionnelle était suffisante pour permettre à l’intimée, à ce stade-ci, de ne pas témoigner des menaces et de l’intimidation dont elle aurait été victime en étant assise à côté de celui qui en serait l’auteur. 
[19]        L’appelant Callocchia subira certes un inconvénient du fait de ne pas être à côté de son avocat pour lui suggérer des questions à l’oreille ou autrement, mais il n’y a pas ici de préjudice.  Il assistera à l’interrogatoire en temps réel, pourra réagir aux réponses données ou au langage non verbal de l’intimée en formulant ses commentaires au fur et à mesure à son avocat qui, lui, sera en présence de l’intimée.  Un ajournement pourra être demandé à tout moment, si nécessaire. 
[20]        En l’espèce, l’inconvénient supporté est moindre que lorsqu’un témoin est interrogé par visioconférence tel que l’envisage l’article 45.2 du règlement précité.  Et il reviendra ultimement aux appelants d’introduire ou non en preuve l’ensemble ou des extraits seulement de la déposition recueillie.
Référence : [2014] ABD 392

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