Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Presque tous les juristes savent que le dépôt d'une requête en rétractation de jugement de la part d'une des parties au litige suspend l'exécution du jugement. Ce que beaucoup moins savent, c'est que la même requête en rétractation déposée par un tiers au litige ne suspend pas automatiquement l'exécution du jugement. C'est ce que rappelle l'affaire 153427 Canada inc. c. Ste-Martine (Municipalité de) (2014 QCCS 4850).
Dans cette affaire, les Requérantes demandent la rétractation du jugement rendu suite à un acquiescement à jugement par lequel la Défenderesse a essentiellement accepté de retirer un règlement municipal.
Puisque les Requérantes étaient des tiers au litige et que la requête en rétractation de jugement à leur demande ne suspend pas automatiquement l'exécution du jugement, elles demandent une telle suspension.
Saisie de cette demande, l'Honorable juge Claude Dallaire discute des considérations pertinentes. Elle souligne à cet égard que les critères sont essentiellement ceux de l'injonction interlocutoire et qu'ils en appellent à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire:
[54] L’on constate que le dépôt d’une requête en rétractation de jugement à la demande d’un tiers n’opère sursis du jugement que si le Tribunal l’ordonne, alors que la réception d’une requête en rétractation à la demande d’une partie au jugement entraîne le sursis immédiat dudit jugement.
[55] Comme les critères du sursis ne sont pas précisés dans la section sur ce qui est communément appelé « la tierce opposition à un jugement », ils relèvent donc de la discrétion judiciaire, et un sursis ne sera accordé que si les circonstances le justifient prima facie.
[56] Cette discrétion doit bien sûr s’exercer judiciairement, c’est-à-dire en respectant divers critères similaires à ceux de l’injonction.
[57] Dans la décision 151761 Canada inc. c. 9213-7116 Québec inc., la Cour a confirmé l’application des critères de l’injonction à l’étude d’une demande de sursis présentée en vertu de l’article 489(2) C.p.c.
[58] Dans Manitoba (P.G.) c. Metropolitain Stores Ltd., la Cour suprême fournit la méthode d’analyse de ces critères, le premier étant l’évaluation préliminaire et provisoire du fond du litige, afin d’y déterminer une apparence de droit suffisante.
[59] De façon plus particulière, cette méthode a été reprise dans l’arrêt Robichaud c. Clément, dans le contexte de l’évaluation d’une demande de sursis présentée lors d’une tierce opposition à un jugement.
Référence : [2014] ABD 412[60] Si les requérantes ne satisfont pas le fardeau de démontrer qu’elles rencontrent prima facie les critères d’ouverture au recours sous l’article 489 C.p.c., le sursis, qui en est l’accessoire et qui est par définition exceptionnel, devra être rejeté et « l’exécution du jugement à l’origine de la requête suivra son cours malgré l’existence de la nouvelle instance introduite par la tierce opposition ».
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