jeudi 23 octobre 2014

La suspension des procédures en matière de faillite s'applique aux cotisations fiscales, de sorte que l'autorisation de la Cour est nécessaire pour émettre un avis de cotisation post faillite

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans Girard (Syndic de) (2014 QCCA 1922), la Cour d'appel devait répondre à la question très intéressante de savoir si les avis de cotisations fiscaux sont visés par les articles 69.3 et 69.4 de la LFI. Elle a donné une réponse affirmative à cette question de sorte que, pour émettre un avis de cotisation après la date de faillite, il est nécessaire d'obtenir l'autorisation de la Cour.
 


Dans cette affaire, l'Appelant se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance rendu par l'Honorable juge Claude Auclair qui en est venu à la conclusion que les avis de cotisation fiscaux sont visés par les articles 69.3 et 69.4 LFI et donc affectés par la suspension des procédures.
 
L'Appelant fait valoir qu'un avis de cotisation n'est pas une procédure de recouvrement de sorte que ces articles n'ont pas application. Selon lui, l'article 69.3 a pour but d'empêcher un créancier qui a une réclamation prouvable d'exécuter sa créance sur des actifs du débiteur au détriment des autres créanciers.  Or, un avis de cotisation n'a pas un tel effet, de sorte qu’il n'est pas visé par la suspension des procédures.
 
Malheureusement pour l'Appelant, la Cour ne partage pas ce point de vue. Dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge François Doyon, la Cour confirme le raisonnement du juge de première instance:
[44]        Le paragraphe 69.3 LFI interdit les actions et procédures « en vue du recouvrement de réclamations prouvables ». Le sens ordinaire des mots entre en conflit avec la théorie de l’appelant lorsqu’il soutient que l’avis de cotisation n’est pas une mesure de recouvrement. S’il est vrai, comme je le disais plus haut, que le seul avis ne permet pas de recouvrer la réclamation, il demeure qu’il est émis en vue du recouvrement de cette réclamation, même si ce recouvrement se fait ultérieurement en puisant dans les actifs du failli qui ont été recueillis par le syndic. Bref, l’ARC veut recouvrer sa créance et son avis de cotisation fait partie d’une suite de mesures pour y parvenir. Que le recouvrement ne vise pas un actif en particulier et se fasse à même la masse ne change rien : l’avis de cotisation constitue une première étape d’un processus plus long et, pour paraphraser le paragraphe 27 de M & D Farm Ltd., il serait artificiel de le détacher de ce processus pour prétendre ensuite qu'il n'est pas visé par la suspension prévue au paragraphe 69.3. 
[45]        Je rappelle que si, dans M & D Farm Ltd., la procédure de la Société du crédit agricole du Manitoba visait à reprendre un actif spécifique (la ferme de l’agriculteur) afin de réaliser sa sûreté, le juge Binnie écrit, au paragraphe 27, que la règle de la suspension s’applique tout autant aux cas où l’on cherche à dépouiller l'agriculteur d’un bien objet d’une garantie qu’à ceux où l’on cherche à recouvrer plus généralement une créance : 
[…] je suis d'avis que le moratoire visé à l'art. 23 fait obstacle à la présentation d'une demande d'autorisation qui vise en fin de compte à recouvrer une créance ou à dépouiller l'agriculteur de sa terre ou d'un autre bien objet de la garantie. 
[46]         Or, l’ARC désire recouvrer sa créance, même si cela n’est fait qu’en partie, en puisant dans la masse. Je suis donc en désaccord avec l’argument de l’appelant voulant que la cotisation ne vise pas à s’approprier les actifs du failli, au motif qu’elle ne permettrait que la participation de l’ARC dans le partage du dividende au prorata des créanciers. Dans l’un ou l’autre cas, il s’agit du recouvrement d’une créance, qu’il soit total ou partiel. 
[47]        Il appert donc que l’interdiction du paragraphe 69.3 LFI s’applique en l’espèce, que ce soit en raison de l’objet de la Loi ou du sens ordinaire des mots. 
[48]        Par ailleurs, aucun créancier ordinaire ne peut être avantagé et cela inclut l’ARC. Or, la proposition de l’appelant aurait pour conséquence d’avantager indument l’ARC, notamment en ce qui a trait au court délai du syndic pour s’opposer, au fardeau qui serait celui du syndic, contrairement aux autres cas où le fardeau est celui du créancier, et aux conséquences d’une absence d’opposition. Il s’agit d’avantages qui seraient en opposition avec les objectifs du régime établi par la LIF.
Référence : [2014] ABD 423

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