mardi 16 septembre 2014

Il faut plus que la simple tolérance du créancier pour établir qu'une autre personne est habilitée à recevoir paiement pour lui

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour être libératoire, le paiement d'une obligation doit être fait au créancier ou à la personne autorisée à recevoir paiement pour celui-ci. Lorsqu'on plaide qu'une personne est habilitée à recevoir paiement pour le créancier, il faut démontrer que ce dernier, par ses gestes ou ses paroles, a donné cette impression. C'est ce que rappelle la Cour d'appel dans Boudreault c. Société Telus communications (2014 QCCA 1676).
 

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance qui a refusé d'autoriser un recours collectif contre l'Intimée. Ce recours alléguait que l'Intimée, fautivement, imposait des frais de retard lorsque ses consommateurs donnaient instructions à leur institution financière de payer leur facture à la date limite pour se faire. Ainsi, bien que l'Intimée recevait le paiement après la date d'échéance, l'Appelante fait valoir que le paiement était véritablement effectué à la date d'instruction à l'institution financière puisque celle-ci était la mandataire de l'Intimée.
 
Dans un jugement unanime prononcé par l'Honorable Dominique Bélanger la Cour rejette le pourvoi. À cet égard, elle souligne que l'institution financière agit à titre de mandataire pour le consommateur et non l'Intimée. Qui plus est, rien dans le comportement de cette dernière ne laisse sous-entendre que l'institution financière est habilitée à recevoir paiement pour elle:
[3] En principe, dans le cas de paiement par services automatiques bancaires, l’institution financière qui reçoit le paiement du débiteur et qui débite son compte agit comme mandataire de ce débiteur et non comme mandataire du créancier. 
[4] Il appartenait dès lors à l’appelante de démontrer que, en l’espèce, malgré la règle générale, l’intimée avait fait de la banque de l’appelante sa mandataire pour le paiement de la facturation.  
[5] Le juge de première instance a conclu avec raison que la requête de l’appelante était défaillante à ce chapitre puisqu’elle ne reposait que sur la mention figurant sur les factures de l’intimée selon laquelle le paiement pouvait être fait « […] dans la plupart des institutions financières (en ligne, en personne ou au téléphone) » :  
[27] Le Tribunal estime que d'aucune façon l'on peut prétendre que ce paiement a été fait dans le délai requis à l'un des mandataires de l'intimée. En effet, lorsque sur la facture Koodo mentionne certains modes de paiement possibles, cela ne peut être interprété comme signifiant que tous ces modes de paiement sont libératoires dès qu'ils sont utilisés. 
[6] Le juge a également eu raison de décider que les mises en garde apparaissant sur les factures de l’intimée quant à la nécessité de prévoir un délai de trois jours pour le paiement aux institutions financières et de sept jours pour un paiement par la poste démontraient l’intention de Telus de ne pas faire de l’institution financière de ses débiteurs sa mandataire aux fins de l’article 1557 C.c.Q. Cette mention sur la facture de l’intimée démontre que cette dernière n’accepte pas que le seul fait que la banque du débiteur débite le compte de ce dernier donne un effet libératoire à ce debit.
 
Référence : [2014] ABD 369

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