Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
En droit international privé, l'injonction qui empêche la poursuite de procédures étrangères (anti-suit injunction) est un des moyens que la Cour suprême du Canada a identifié comme disponible pour contrôler le choix du tribunal fait par les parties lorsqu'une partie décide de saisir fautivement un tribunal étranger (voir Amchem Products Incorporated c. Colombie-Britannique (Workers' Compensation Board), [1993] 1 RCS 897). Au Québec, la possibilité pour les tribunaux d'émettre une telle ordonnance a longtemps été mise en doute en raison de l'article 758 C.p.c. Ce fût vrai jusqu'à ce que la Cour d'appel indique clairement, dans Johns-Manville Corp. c. Dominion of Canada General Insurance Co. (1991 CanLII 3076), que cet article n'empêche pas l'émission d'une "anti-suit injunction".
À première vue, l'article 758 C.p.c. semblerait empêcher l'émission d'une injonction pour prohiber à une partie de prendre ou continuer des procédures judiciaires étrangères. Il se lit comme suit:
758. Une ordonnance d'injonction ne peut en aucun cas être prononcée pour empêcher des procédures judiciaires, ni pour faire obstacle à l'exercice d'une fonction pour une personne morale de droit public ou de droit privé, sauf dans les cas prévus dans l'article 329 du Code civil.
Cependant, dans cette affaire, la Cour d'appel indiquait clairement que ce n'est pas le cas. L'Honorable juge McCarthy se prononçait de la façon suivante:
The injunction granted by Macerola J. is aimed not at the action instituted in California by Johns-Manville but at the injunction obtained there by it. The California action in itself does not "prevent" the insurer from proceedinq with a request for a declaratory judgment in Québec; the California injunction purports to do just that. Now whatever may be the ambit of article 758 of our Code of Civil Procedure, I do not think that it prohibits the Québec Superior Court from granting an injunction to restrain a foreign legal proceeding which itself purports to restrain a legal proceeding in Québec.
Pour sa part, l'Honorable juge Rousseau-Houle ajoute que le juge de première instance a eu raison d'indiquer que les pouvoirs inhérents de la Cour supérieure permettent l'émission d'une telle ordonnance:
Le juge Lévesque avait noté qu'une lecture attentive de l'article 758 du Code de procédure civile en limite l'application aux articles 846 et 834.1 d'une part et 838 d'autre part. Cela comporterait que lorsque les recours de Common law sont ouverts, la Cour supérieure du Québec, qui a en principe les mêmes pouvoirs inhérents que les autres cours supérieures des autres provinces et du Royaume Uni, aurait ce pouvoir d'émettre une injonction pour empêcher les procédures judiciaires à l'étranger ou encore aurait le pouvoir de décliner sa juridiction quand elle juge que les intérêts de la justice seraient mieux servis si l'affaire dont elle est saisie était instruite devant un autre tribunal.
La Cour supérieure d'Angleterre s'est toujours reconnue la juridiction inhérente de rejeter ou de suspendre toute prccédure qu'elle jugeait vexatoire ou abusive. La doctrine moderne du forum le plus approprié n'est que l'exercice de la juridiction inhérente suite à une évolution où la Cour supérieure d'Angleterre en est venue essentiellement à considérer comme abusive toute procédure devant le tribunal qui n'est pas le forum le plus approprié parmi les tribunaux qui ont juridiction pour trancher un litige (Voir P. Normandin, "Les pouvoirs inhérents de la Cour supérieure et la doctrine "forum non conveniens"", (1987) R.du B. 469, p. 474).
Les critères devant guider un tribunal de common law relativement à l'émission d'une injonction pour empêcher des procédures judiciaires à l'étranger ou ordonner le sursis des procédures ont été récemment reformulés entre autres dans les arrêts: Laker Airways c. Sabena, Belgian, World Airlines, (1984) 731 F 2d 909; Société Nationale Industrielle Aéro-Spatiale et Lee Kui Jak, (1987), 1 A C 871 H.L. (E.);
Référence : [2014] ABD Rétro 39
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