dimanche 21 septembre 2014

Dimanches rétro: la compensation équitable s'applique en matière de faillite et insolvabilité au Québec

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La question de la compensation en matière de faillite et insolvabilité n'est pas toujours évidente. D'ailleurs, il y a quelques années faisait rage quant à l'applicabilité de la théorie de common law de la compensation équitable en matière de faillite et insolvabilité au Québec. Cette théorie permet la compensation entre deux dettes même si une de celles-la n'est pas liquide et exigible dans la mesure où elles prennent toutes deux leur source dans le même contrat. C'est dans Nolisair International inc. (Syndic de) c. Wings of the West inc. (2000 CanLII 2239) que la Cour d'appel est venue confirmer que cette théorie s'applique au Québec.


Dans cette affaire, la Cour devait déterminer si le juge de première instance, siégeant en matière de faillite, avait eu raison de conclure que l'Intimée pouvait opposer la compensation à la réclamation de l'Appelante, ès qualités de syndic à la faillite de la débitrice.
 
Au nom d'un banc unanime de la Cour, l'Honorable juge Jacques Delisle confirme d'abord que la compensation s'applique en matière de faillite:
[24]           La faillite d'une personne n'empêche aucunement l'application de la compensation. L'article 97(3) L.F.I. est clair à ce sujet: 
Les règles de la compensation s'appliquent à toutes les réclamations produites contre l'actif du failli, et aussi à toutes les actions intentées par le syndic pour le recouvrement des créances dues au failli, de la même manière et dans la même mesure que si le failli était demandeur ou défendeur, selon le cas, sauf en tant que toute réclamation pour compensation est atteinte par les dispositions de la présente loi concernant les fraudes ou préférences frauduleuses.
[25]           La compensation visée par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité est, à la fois, la compensation légale (ou la compensation en common law) et la compensation en équité (equitable set-off).
La compensation équitable intervient pour permettre de compenser deux dettes qui découlent de la même source contractuelle même lorsqu'une d'elles n'est pas liquide et exigible. Selon le juge Délisle, cette forme de compensation doit également trouver application en matière de faillite au Québec:
[26]           La compensation légale découle de la loi. Elle exige l'existence de deux dettes, liquides et exigibles. 
[27]           Lorsque cette condition n'est pas remplie, mais que les deux dettes découlent du même contrat ou de contrats à ce point reliés qu'il serait manifestement injuste de permettre à la partie demanderesse d'exiger paiement sans tenir compte de la réclamation de la partie défenderesse, il y a ouverture à la compensation en équité. 
[28]           Dans Holt c. Telford, la juge Wilson a fait une analyse détaillée de ce qu'est la compensation en équité. Elle y a, entre autres, écrit: 
Thus, cases involving debts that arise from the same contract or closely interrelated contracts form an exception to the general rule. In these cases a debt arising out of the contract or closely interrelated contracts may be set-off against the assignee even if the debt accrues due after the notice of the assignment.
[29]           Ici, il n'y a aucun doute que la réclamation de l'intimée a comme fondement même le contrat d'où origine la créance de l'appelante. Les deux dettes sont interreliées. 
[30]           Par sa lettre du 3 février 1993, la débitrice a ajouté la clause suivante au contrat conclu avec l'intimée: 
As per your request regarding re-protection of passengers in the unforseen event that there is a disruption in service, Nationair will as in the past honour any price costs incurred by Wings of the West Inc. as a result of re-protection of passengers.
[31]           Dès lors, l'intimée devenait en droit d'opposer à une demande de paiement de réservation de sièges tout excédent de coût payé à un autre transporteur comme conséquence de l'inexécution par la débitrice de ses obligations. Les deux créances découlaient du même contrat et étaient intimement liées. 
L'intimée bénéficiait, en conséquence, de la compensation en équité. Il serait manifestement injuste d'accepter la réclamation de l'appelante sans tenir compte de celle de l'intimée, qui a, comme fondement, la garantie fournie par la débitrice dans le contrat  même d'où origine la créance de celle-ci, exercée par l'appelante. N'eut été de cette garantie l'intimée n'aurait pas contracté avec la débitrice:
Référence : [2014] ABD Rétro 38

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