mercredi 27 août 2014

Les commentaires d'un juge à l'effet qu'il n'est pas d'accord avec une décision rendue par un tribunal supérieur ne sont pas motifs à récusation

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La récusation d'un juge est une question qu'il ne faut pas prendre à la légère. En effet, il est essentiel que les juges des tribunaux judiciaires bénéficient des coudées franches pour bien accomplir leur travail sans constamment être sous la menace de récusation. Ainsi, seules des circonstances graves et importantes mèneront à la récusation. N'atteignent pas ce niveau les commentaires d'un juge qui doute du bien-fondé d'une décision d'un tribunal supérieur comme l'illustre l'affaire Construction Polaris Inc. c. Hydro-Québec (2014 QCCA 1558).
 

Dans cette affaire, la Requérante recherche la permission d'en appeler d'un décision par laquelle le juge de première instance a refusé de se récuser.
 
La Requérante soumet par exemple que les commentaires du juge de première instance à l'effet qu'il a des réserves quant au bien-fondé de la décision de la Cour suprême dans Banque de Montréal c. Bail Ltée - affaire sur laquelle la Requérante fonde des prétentions en première instance - sont de nature à créer une apparence de partialité.
 
Saisi de la requête en permission d'en appeler, l'Honorable juge Allan R. Hilton exprime l'avis que les commentaires du juge ne justifient pas la récusation. En effet, le principe demeure qu'un juge de la Cour supérieure doit appliquer les enseignements de la Cour suprême comme le concèdent les procureurs de la Requérante:
[4]         Au soutien de ses prétentions, la requérante invoque les motifs de la juge Le Bel dans son jugement accueillant sa requête en irrecevabilité contre une requête pour jugement déclaratoire entreprise par Hydro-Québec dans un dossier distinct en rapport avec le même projet de construction qui est l'objet du présent litige. Il est évident, à la lecture du jugement de la juge Le Bel, que la question en litige avec laquelle elle était saisie, quoique relative au même projet, n'est pas identique avec celles soulevées dans le présent dossier. Cependant, la requérante craint que le juge Nadeau, par quelques commentaires à la conférence de gestion, a déjà décidé dans un sens contraire au certains éléments du jugement de la juge Le Bel.   
[5]         Le juge a également exprimé des réserves quant au bien-fondé de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Banque de Montréal c. Bail Ltée, un arrêt de principe que la requérante entend invoquer au soutien de ses prétentions au fond. Le juge a mentionné, lors des échanges avec les avocats à la conférence de gestion, en parlant de cet arrêt, que « bad facts make bad law ». Cela dit, à l'audition devant moi, l'avocat de la requérante a reconnu que le juge est lié par un arrêt de la Cour suprême du Canada, qu'il soit en accord ou non avec son raisonnement et la disposition du pourvoi. 
[6]         Pour conclure, la requérante allègue à sa requête en récusation que les diverses positions du juge « ont soulevé dans l'esprit des représentants de notre cliente, présents le 18 juin, une crainte raisonnable de partialité à l'égard de questions centrales qui seraient débattues dans le cadre des requêtes en scission d'instance et en irrecevabilité annoncées par HQ ». 
[7]         Avec égards, je suis d'avis de rejeter la requête pour permission d'appeler.
Référence : [2014] ABD 342

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