vendredi 22 août 2014

L'approche libérale des tribunaux québécois dans l'application des clauses d'élection de domicile

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Comme nous l'avons déjà mentionné, les tribunaux québécois ont adopté une approche plus libérale en matière de droit international privé et de clauses d'élection de for ou en matière de clause compromissoire afin de donner préséance à la volonté contractuelle des parties. Comme l'illustre l'affaire Gestion Moisandré inc. et Charron (2014 QCCS 4052), cette tendance semble s'étendre également au choix du district interne et aux clauses d'élection de domicile.



Dans cette affaire, la Demanderesse intente des procédures en dommages contre les Défendeurs par lesquelles elle réclame la somme de 1 329 219,94 $. Ce recours est fondé sur un acte de dation en paiement.
 
L’acte en question a fait suite au défaut des Défendeurs d’honorer 11 prêts hypothécaires qui leur avaient été consentis par la Demanderesse à l’égard de 46 immeubles et en considération d’une quittance totale et finale de toutes sommes dues aux termes des prêts en question.
 
Les Défendeurs déposent une exception déclinatoire par laquelle ils font valoir que le litige ne devrait pas être entendu dans le district de Montréal, puisque aucun d'entre eux n'est domicilié dans ce district.
 
La Demanderesse rétorque que les contrats de prêts contiennent une clause d'élection de domicile dans le district judiciaire de Montréal, de sorte qu'elle est bien fondée d'intenter ses procédures dans ce district.
 
Même si le recours est techniquement fondé sur l'acte en dation en paiement - lequel est silencieux quant au district approprié - l'Honorable juge Marie-Anne Paquette en vient à la conclusion que la position de la Demanderesse est bien fondée. Ce faisant elle adopte une approche très libérale en voyant dans les prêts le fondement véritable des recours:
[13]        Les contrats de Prêts comportent une clause de loi applicable-élection de domicile : 
Les présentes sont régies par le droit en vigueur dans la province de Québec, et les tribunaux compétents pour entendre tout litige pouvant survenir entre les parties à l’occasion des présentes sont les tribunaux de la province de Québec siégeant dans le district judiciaire de Montréal.  
[Soulignements du Tribunal] 
[14]        L’Acte de dation en paiement n’inclut aucune telle disposition. 
[15]        Bien qu’au sens strict, le présent litige porte sur l’Acte de dation en paiement et non sur les Prêts, le Tribunal estime qu’il survient « à l’occasion de » ceux-ci. 
[16]        En effet, l’Acte de dation en paiement : 
16.1.     a été conclu dans le seul et unique but de régler les défauts de paiement aux termes des Prêts;  
16.2.     s’inscrit ici en parfaite continuité des Prêts;  
16.3.     est intervenu dans le but d’assurer l’exécution des Prêts.  
[17]        Au même titre que le serait un recours hypothécaire intenté en vertu des Prêts, le présent litige survient à l’occasion de ces derniers. En effet, il survient en regard d’un contrat que les parties ont conclu pour régler les défauts de paiement qui existaient aux termes des Prêts : l’Acte de dation en paiement. 
[18]        Le litige, qui se fonde sur l’Acte de dation en paiement, survient donc à l’occasion des Prêts. 
[19]        Conclure autrement priverait la clause d’élection des effets logiquement envisagés par les parties au moment d’y consentir. 
[20]        Partant, la clause d’élection de district dont les parties ont convenu aux contrats de Prêts s’applique et les tribunaux siégeant dans le district judiciaire de Montréal peuvent être saisis du présent litige, en l’absence d’une renonciation à cette clause.
Référence : [2014] ABD 336

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