lundi 14 juillet 2014

Une créance contestée n’est ni certaine ni liquide, à moins que la contestation soit ridicule ou un artifice purement dilatoire ou frivole

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La compensation est un moyen d'extinction ou de réduction d'une obligation selon les articles 1672 à 1682 C.c.Q. Encore faut-il cependant que la dette que l'on invoque pour opérer compensation soit certaine et liquide. Comme le souligne la Cour d'appel dans 9181-1752 Québec inc. c. Groupe Arsenault inc. (2014 QCCA 1330), cela n'est pas le cas d'une créance contestée, à moins que cette contestation soit ridicule, frivole ou dilatoire.


Dans cette affaire, l'Appelante est créancière de l'Intimée en vertu d'un jugement exécutoire. En exécution de ce jugement, elle procède à des saisies en mains tierces. L'Intimée demande l'annulation de cette saisie en opposant la compensation pour plaider extinction de la dette consacrée par le jugement.
En effet, quelques jours avant que le bref d’exécution ne soit signifié, l’Intimée s’est vu transférer des créances que l’Appelante devait à sa filiale et qu’elle veut maintenant opposer en compensation à l’encontre du jugement exécutoire. Ces créances sont par ailleurs contestées par l'Appelante.
Le jugement de première instance accueille la requête en opposition.

Or, un banc unanime de la Cour d'appel, composé des Honorables juges Giroux, Bélanger et Émond, vient casser la décision de première instance. Ce faisant, la Cour indique que seule des créances certaines et liquides peuvent être opposées pour fins de compensation et souligne qu'une démonstration claire de ces caractéristiques est nécessaire lorsque les créances sont contestées:
[3]           Or, l’appelante remet en cause la validité de ces créances. Une dette contestée n’est ni certaine ni liquide, à moins que la contestation soit ridicule ou un artifice purement dilatoire ou frivole, par opposition à une contestation raisonnable et sérieuse. 
[4]           Il est vrai que pour être certaine, liquide et exigible au sens de l’article 1673 C.c.Q., la dette ne doit pas nécessairement être reconnue par le débiteur. Cependant, il appartenait à l’intimée de démontrer que sa créance est certaine, liquide et exigible pour pouvoir l’opposer à un jugement exécutoire. Dans le cadre d’une audience portant sur une opposition à une saisie-arrêt, cette démonstration doit être faite de façon claire et évidente. Une opposition à une saisie-exécution n’est pas l’occasion de faire liquider une dette contestée en faisant fi de toutes les règles de preuve et de procédure. 
[5]           En l’espèce, l’intimée a produit sa cession de créance et les deux factures à son soutien, alléguant que les sommes sont dues. Aucun témoin n’a été entendu. Le juge bénéficiait d’un affidavit circonstancié du président de l’appelante qui affirme que celle-ci ne doit pas les sommes réclamées et qui produit certains documents au soutien de ses prétentions. 
[6]           L’affidavit, les documents produits à son soutien, la sentence arbitrale intervenue entre les parties et le contenu de la requête en faillite contestée sont autant d’éléments qui indiquent que la contestation de la créance n’est pas farfelue, frivole ou manifestement dilatoire et, surtout, qu’un débat contradictoire est nécessaire pour établir le bien-fondé et la quotité des réclamations contenues aux deux factures du 29 novembre 2012. 
[7]           Le juge a erronément imposé à l’appelante, ici la cédée, de démontrer que la dette faisant l’objet de la cession de créance n’est pas due. En l’espèce, l’intimée, ici la cessionnaire, n’a pas plus de droits que sa filiale, la cédante. 
[8]           En conséquence, il appartenait à l’intimée de démontrer que la créance qu’elle prétend détenir contre l’appelante constitue une dette certaine, liquide et exigible. Ce n’était pas à l’appelante de démontrer que la réclamation contre elle est injustifiée ni de démontrer pourquoi elle ne doit pas payer la somme de 175 000 $, alors qu’elle détient un jugement exécutoire en sa faveur.
Référence : [2014] ABD 278

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