mardi 15 juillet 2014

Qu’un avocat défende devant les tribunaux les actes juridiques qu’il a préparés ou les démarches légales qu’il a entreprises pour un client ne porte pas atteinte à l’intégrité du processus judiciaire et ne confère pas une telle apparence

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le Code de déontologie des avocats prévoit que ceux-ci doivent préserver leur indépendance professionnelle et agir de manière désintéressée. Est-ce dire qu'il ne devraient jamais agir devant les tribunaux lorsqu'ils seraient placés dans une situation où ils doivent défendre la validité d'actes juridiques qu'ils ont préparés. L'Honorable juge Christian J. Brossard répond par la négative à cette question dans Condax c. Charron (2014 QCCS 3297).


Dans cette affaire, la Demanderesse dépose des procédures judiciaires en dommages par lesquelles elle réclame une somme de plus de 2 000 000 $. Cette représente principalement la perte de valeur marchande d’un immeuble de la Demanderesse et le coût de travaux de construction et de réparation de la résidence qu’elle y a fait bâtir.

Dans son recours, la Demanderesse se dit victime de dol et de fraude de la part des Défendeurs. Elle attaque également la validité de divers actes juridiques auxquels les Défendeurs sont parties et conteste certains gestes posés par les Défendeurs. Elle demande qu’ils lui soient déclarés inopposables ou comme constituant des actes simulés.

Alléguant que l'étude juridique qui représente les Défendeurs devra défendre des actes et des gestes pour lesquels elle a conseillé ou représenté les Défendeurs, la Demanderesse fait valoir que l'étude en question doit être disqualifiée faute du niveau requis d'indépendance et de désintéressement.
Le juge Brossard rejette cette prétention, soulignant que le fait qu'un avocat doive défendre des actes juridiques qu'il a préparé ou des démarches légales auxquelles il a participé ne lui fait pas perdre l'indépendance ou le désintéressement nécessaire:
[36]        Que DGC ait donné des conseils d’ordre juridique, ait préparé des documents légaux ou ait accompagné son client à titre d’avocat dans le cadre de démarches juridiques, même en lien avec une réorganisation corporative ou avec des procédures en insolvabilité, ne saurait suffire à rendre le cabinet inhabile à ultérieurement représenter son client dans le cadre de procédures qui mettent en cause la validité des conseils, documents légaux ou démarches en question, et ce, même si ces procédures soulèvent l’intégrité du client. 
[37]        Qu’un avocat défende devant les tribunaux les actes juridiques qu’il a préparés ou les démarches légales qu’il a entreprises pour un client ne porte pas atteinte à l’intégrité du processus judiciaire et ne confère pas une telle apparence. 
[38]        Pour citer le juge Dalphond (aujourd’hui à la Cour d’appel): 
Le fait que [l’avocat] ait rédigé, à la demande de son client, la convention dont l’une des clauses est l’objet du litige, ne lui fait pas perdre son indépendance professionnelle, de la même manière qu’un avocat ne devient pas inhabile pour avoir donné une opinion juridique désormais partie d’un litige (référence omise).
Référence : [2014] ABD 279

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