Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Nous avons déjà discuté des exigences relativement modestes qui sont imposées par le législateur et les tribunaux envers la (ou les) personne qui désire intenter un recours collectif. L'affaire Martel c. Kia Canada inc. (2014 QCCS 3273) traite de cette question de manière intéressante puisque l'Honorable juge Pierre-C. Gagnon y indique que le représentant proposé doit prouver, au moins sommairement, qu'il existe veritablement un groupe pour obtenir l'autorisation d'instituer le recours collectif.
Dans cette affaire, la Requérante, propriétaire d’une automobile Kia Rio 2012, recherche l’autorisation d’un recours collectif contre l'Intimée, pour le groupe suivant :
Tous les consommateurs résidant au Québec qui ont acheté un véhicule de marque KIA énuméré dans les sous-groupes ci-après, d’un des concessionnaires de l’intimée, et dont le programme d’entretien exigé dans le manuel du propriétaire, remis par le fabricant, diffère du programme d’entretien exigé par le concessionnaire, et ce, depuis le 19 mars 2010 jusqu’au jugement final sur la requête en autorisation.
L'Intimée conteste l'autorisation du recours pour plusieurs motifs, dont le fait que la Requérante n'a pas fait la preuve qu'il existe effectivement des gens - autre que la Requérante - qui font partie du groupe propose.
Le juge Gagnon accepte cette prétention et constate effectivement que la Requérante n'a pas fait d'efforts en ce sens et ne peut établir qu'il existe véritablement un groupe. Pour cette raison, il rejette la requête en autorisation:
[58] Le syllogisme juridique de Mme Martel est spécifique. Elle veut regrouper tous les acquéreurs québécois d’automobiles Kia qui ont été victimes d’une pratique trompeuse au sens de la Loi sur la protection du consommateur. Cette pratique trompeuse consiste à publier des manuels du propriétaire qui induisent en erreur un éventuel acquéreur quant aux intervalles d’entretien requis pour le véhicule qu’il envisage d’acheter.
[59] Dans cette optique, il ne suffit pas de produire un tableau de ventes indiquant que 21 972 véhicules Kia ont été vendus en 2009-2010 au Québec.
[60] Passons outre qu’une telle donnée brute ne détaille pas en fonction des six différents modèles mentionnées à la requête (Rio, Forte, etc.) et que la période de ventes en cause s’étendrait de 2010 à 2013.
[61] Là où le bât blesse, c’est que rien ne permet de vérifier combien d’acquéreurs s’estiment lésés par la rédaction boiteuse du manuel du propriétaire, qu’ils l’aient lu avant de signer le contrat d’achat (ce qui est essentiel au syllogisme juridique), ou bien même à la rigueur qu’ils l’aient lu (selon l’ordre normal des choses) après avoir pris livraison du véhicule.
[62] On se serait attendu à ce que la requérante et ses avocats membres du groupe créent un site Internet et recueillent les doléances d’autres consommateurs se considérant lésés de façon analogue. La preuve est muette à cet égard.
[63] Il est inacceptable que Mme Martel se soit résignée à ne faire aucune investigation parce qu’elle venait d’emménager à Orford et que ses voisins immédiats ne possèdent pas de Kia.
[64] Même si la Cour suprême (dans les arrêts Infineon et Vivendi, précités) requiert beaucoup de souplesse de la part du juge d’autorisation, la présente étape doit tout de même servir de filtre. Or, laisser passer tout le fluide sans retenir les corps étrangers, ce n’est pas filtrer.
[...]
[70] Or, dans le cas ici sous étude, Mme Martel ne démontre que l’existence possible de membres hypothétiques, et non l’existence de membres réels.
[71] Le Tribunal statue que la requérante ne démontre pas qu’elle se conforme au critère de l’alinéa 1003 c) C.p.c.
Référence : [2014] ABD 273
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