mercredi 2 juillet 2014

La compagnie volontairement dissoute crée sa propre impossibilité d'agir et ne peut donc prétendre à une suspension de la prescription

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'article 2904 C.c.Q. prévoit que la prescription ne court pas contre la personne qui est en fait dans l'impossibilité d'agir. Qu'en est-il cependant lorsque cette impossibilité d'agir est la fait volontaire de la personne elle-même. C'est une des questions que devait trancher la Cour d'appel dans l'affaire Quadrangle Consulting Inc. c. Agence du revenu du Québec (2014 QCCA 1297).
 


Les faits de l'affaire sont relativement simples.
 
L'Appelante est une entreprise de consultant qui a initialement exercée ses activités du 26 juillet 2002 au début de 2003. Elle devient ensuite inactive jusqu'en 2006 en raison du fait que son président est alors à l'emploi d'une autre compagnie. Finalement, ce dernier choisira de dissoudre la compagnie en mai 2006.
 
Au moment de la dissolution, l'Appelante n'a pas produit ses declarations d'impôts pour 2003 ou 2004. 
 
En novembre 2009, son ancien président décide de reprendre ses activités de consultant et faire renaître la compagnie. Ce faisant, il espère bénéficier de l'exemption d'impôts alors prévue à l'article 771.5 de la Loi sur l'impôt.
 
L'Intimée refuse la demande d'exemption présentée par l'Appelante et elle émet un avis de cotisation pour l'année 2003. L'Appelante fait alors valoir qu'elle est toujours dans la période de 5 ans prévue à l'article 771.5.1 pour remédier au défaut d'avoir produit sa déclaration d'impôt pour 2003. En effet, elle fait valoir que pendant sa dissolution de mai 2006 à novembre 2009 elle était dans l'impossibilité en fait d'agir de sorte que l'article 2904 C.c.Q. a opéré suspension de la prescription.
 
L'Intimée rejette cet argument, tout comme la juge de première instance.
 
L'Honorable juge Martin Vauclair, au nom d'un banc unanime, confirme cette décision. Il indique que l'on ne peut volontairement créé sa propre impossibilité d'agir et en bénéficier:
[29]        Premièrement, le défaut de produire sa déclaration de 2003 ne découle pas d'une simple erreur de fait. C’est plutôt parce que Quadrangle présumait qu'elle n'avait pas à la produire. Ce faisant, elle invoque une erreur de droit pour excuser l’inobservance de la Loi.  En raison de son interprétation erronée de la Loi, Quadrangle se méprend alors sur sa portée, ce qui ne saurait créer une impossibilité en fait d’agir. 
[30]        Deuxièmement, cette supposition un peu simple est contraire au libellé clair des articles 771.5 et 771.5.1 de la Loi qui exigent la production d'une déclaration à la date d'échéance applicable ou au plus tard dans les cinq années suivantes si, dans ce dernier cas, il y a paiement de la pénalité. Lorsque Quadrangle décide de ne pas produire sa déclaration pour 2003 et qu'elle se dissout en 2006 sans l'avoir produite, la compagnie et ses administrateurs, notamment M. Halliday, agissent de manière intentionnelle, sinon négligente, ce qui, non plus, ne saurait créer une impossibilité en fait d’agir.  
[31]        Troisièmement, en procédant à sa dissolution, l’administrateur unique plaçait lui-même Quadrangle dans une impossibilité d'agir à une époque où il lui aurait toujours été possible de respecter les délais, en payant une pénalité. Quadrangle bénéficiait de facto d’une extension de délai que la Loi limite à cinq ans et que seul le ministre peut proroger.  
[32]        Quatrièmement, la preuve démontre qu'elle n'était pas dans l'impossibilité en fait d'agir, soit par elle-même, soit en se faisant représenter par d'autres. En effet, M. Halliday a produit à l’ARQ, dans la période où Quadrangle était dissoute, des déclarations de taxes la concernant. 
[33]        Pour tous ces motifs, il est erroné de dire que Quadrangle a démontré son impossibilité en fait d'agir soit par elle-même, soit en se faisant représenter par d'autres. Ce moyen doit échouer.
Référence : [2014] ABD 261

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