vendredi 11 juillet 2014

Comme pour tout autre type de recours civil, pour avoir gain de cause dans un recours en dommages contre un professionnel, il faut démontrer le lien de causalité entre la faute et les dommages subis

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Comme c'est le cas pour tout recours en dommages, il ne suffit pas pour avoir gain de cause dans un recours en responsabilité professionnelle d'établir la faute du professionnel, encore faut-il établir un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi. En terme pratique lorsque l'on allègue qu'une faute professionnelle d'un avocat ou un notaire nous a empêché d'avoir gain de cause dans un procès (ou d'obtenir un montant plus important), il faut établir qu'en l'absence de la faute l'on aurait gagné le procès et - si l'on est en demande - que l'on aurait pu exécuter ce jugement. C'est ce qu'indique la décision rendue récemment dans Jo-Pac Manufacturing Inc. c. Isaacson (2014 QCCS 3231).
 

Dans cette affaire, la Demanderesse recherche une condamnation en dommages contre le Défendeur, un notaire, suite à ce qu'elle allègue être une faute professionnelle de ce dernier. En effet, elle allègue que le Défendeur a omis d'énoncer expressément, dans le cadre de deux conventions de prêt notariés , le taux d’intérêt annuel (soit 48 %) auquel équivaut le taux mensuel dont il est fait état (soit 4 %), et ce, contrairement à ce qu’exige l’article 4 de la Loi sur l’intérêt. Ainsi, la Demanderesse a été privée de son droit de réclamer à ses débiteurs tout taux d’intérêt supérieur au taux annuel de 5 %.

Pour le premier acte notarié, l'Honorable juge Matteau rejette l'argument de la Demanderesse puisqu'elle en vient à la conclusion que le Défendeur n'était pas le notaire instrumentant.
 
Quant au deuxième acte, elle constate effectivement que le Défendeur a commis une faute. Elle rejette quand même le recours contre le Défendeur puisqu'elle en vient à la conclusion que cette faute n'a pas causé de dommages à la Demanderesse. En effet, cette dernière - ayant obtenu jugement contre ses débiteurs pour le montant du prêt portant intérêt à 5% par année - n'a pas été capables d'exécuter son jugement en raison de la faillite des débiteurs. Ainsi, la juge Matteau doit conclure à l'absence de causalité:
[54]        Ceci étant, toute faute n’emporte pas indemnisation de la victime. 
[55]        Cette dernière doit également établir un lien de causalité direct entre la faute qui a été prouvée et le dommage qu’elle allègue avoir subi. 
[56]        Comme le rappelle la Cour Suprême dans l’affaire Parrot c. Thompson, aux fins de décider de cette question, il convient d’envisager la situation « (…) abstraction faite de l’erreur, comme si l’erreur n’avait pas eu lieu. (…) »
[57]        Jo-Pac avait donc le fardeau de démontrer que n’eut été de l’erreur de Me Isaacson, elle aurait obtenu de ses débiteurs le montant qu’elle réclame aujourd’hui de ce dernier. 
[58]        Or, ici, la preuve révèle que Dayé et Borenstein ont fait respectivement cession de leurs biens les 16 août 2011 et 6 février 2013, alors que les trois (3) entreprises débitrices sont inactives depuis plus de quatre (4) ans. 
[59]        D’ailleurs, depuis le mois de janvier 2007 et malgré les démarches qu'elle a entreprises à cet effet, Jo-Pac n’a réussi à percevoir aucun montant de ses débiteurs. 
[60]        Force est donc de conclure que même si Me Isaacson n’avait pas commis l’erreur qui lui est aujourd’hui reprochée, Jo-Pac n’aurait pas recouvré les montants qui lui sont dus aux termes de la convention de prêt intervenue le 28 décembre 2005. Me Isaacson n’est certes pas engagé à titre de caution à l’égard de Jo-Pac. 
[61]        Jo-Pac n’a donc pas établi un lien de causalité direct entre la faute de Me Isaacson et le dommage qu’elle allègue avoir subi.
Référence : [2014] ABD 275

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