mercredi 16 juillet 2014

Ce ne sont pas tous les membres d'un recours collectif qui sont les clients des avocats en demande

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Alors que les recours collectifs sont de plus en plus gros (en terme de membres), la question de savoir si la partie défenderesse et ses procureurs peuvent rencontrer des membres du groupe hors la présence des avocats en demande est devenue importante. Dans Filion c. Québec (Procureure générale) (2014 QCCS 3294), l'Honorable juge Alain Michaud effectue une étude en profondeur de la question et en vient à la conclusion que ce ne sont pas tous les membres du groupe qui sont représentés par les avocats en demande.

Dans cette affaire, les Demandeurs ont institués un recours collectif contre la Procureure générale du Québec en regard de la pollution sonore provoquée par la circulation automobile sur un tronçon de 2.6 kilomètres de l’Autoroute Laurentienne (A‑73), au niveau de l’arrondissement Charlesbourg de la Ville de Québec.
La Défenderesse présente une requête par laquelle elle demande d’obtenir les coordonnées complètes des membres inscrits au recours collectif dans le but de pouvoir éventuellement rencontrer – hors la présence des avocats des demandeurs – les membres non inscrits au recours et ainsi identifier les témoins qui pourraient être entendus en défense lors du procès.
Le juge Michaud entreprend une étude exhaustive de la jurisprudence récente sur la question. Après celle-ci, il rejette la prétention des Demandeurs que tous les membres du recours sont les clients des avocats en demande. Le juge Michaud en vient plutôt à la conclusion que les membres inscrits et, généralement, ceux qui ont contacté les avocats en demande doivent être considérés comme étant représentés par les avocats en demande. Pour les autres cependant, aucune relation avocat-client n'existe et la Défenderesse et ses avocats peuvent les contacter hors la présence des avocats en demande:
[49]        Les affaires Brochu et Imperial Tobacco ont dessiné récemment un statut particulier pour celui que l’on appelle le membre inscrit. À ce sujet, le Tribunal estimerait plus juste que l’on parle du membre-client, ce qui constitue à notre avis une appellation plus large et davantage descriptive des caractéristiques associées à ce groupe de demandeurs. 
[50]        Quant à ces membres, il est permis de conclure, à partir de là : 
a)      que le principe du secret professionnel autorise l’inclusion sous cette appellation des membres qui ont consulté les procureurs en demande, ceux qui ont complété le formulaire préparé à leur attention, et bien sûr ceux qui ont été interrogés au préalable avec l’assistance des procureurs des représentants;  
b)      que le concept du privilège relatif au litige couvre de sa zone de confidentialité toutes les communications ou informations échangées entre différents membres du groupe et les procureurs en demande, empêchant encore là la défenderesse d’avoir accès à ce qui a été préparé par les témoins, experts et procureurs de la demande principalement en vue du litige. 
[51]        Pour les fins du présent exercice, les procureurs de la défenderesse acceptent au surplus de considérer comme membres inscrits, ou membres-client, ceux qui auraient manifesté un intérêt particulier au litige en s’y inscrivant (si un tel mécanisme d’inscription existe en l’occurrence), ainsi que ceux qui apparaîtraient sur la liste des présences à l’assemblée d’information de février 2012 (si telle liste a été montée). 
[52]        Tous ces membres ont développé – ou au moins amorcé – une relation avocat-client avec les procureurs des représentants : c’est la raison pour laquelle la défenderesse en requiert la liste, désirant l’utiliser a contrario et avoir l’opportunité de communiquer avec ceux des résidents du secteur qui n’y apparaissent pas. 
[53]        Dès lors, qu’est-ce qui empêche légalement la défenderesse de communiquer, aux fins de la préparation du procès, avec des membres n’ayant eu aucun contact avec les procureurs en demande? 
[54]        Me Chabot, pour les demandeurs, affirme que tous les membres du recours collectif sont ses clients, s’agissant des 1350 personnes (ou environ) demeurant à l’intérieur du quadrilatère longeant l’Autoroute 73. 
[55]        Le Tribunal ne retient pas cet argument, précisant plutôt : 
a)      que Me Chabot n’est pas le mandataire de tous les membres, mais simplement celui des deux représentants, eux-mêmes mandataires de l’ensemble des réclamants;  
b)      que cette distinction quant au mandat des procureurs est encore plus manifeste lorsqu’on examine un groupe de personnes qui – au contraire des résidents de ce secteur – ne peuvent être nommément identifiés, comme l’ensemble des joueurs compulsifs ou des fumeurs de la province de Québec;  
c)      que l’article 3.02.01 du Code de déontologie des avocats  n’est d’aucun secours pour les demandeurs, parce que les membres dont on parle ne sont pas représentés par un avocat;  
d)      que le fait qu’il faille demander la permission d’interroger de tels membres n’ajoute rien à la position des demandeurs, puisque cette contrainte vise strictement à contrôler le nombre d’interrogatoires au recours et à vérifier si cette démarche est utile « à l’adjudication des questions de droit ou de fait traitées collectivement ».
Référence : [2014] ABD 281

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