jeudi 26 juin 2014

La partie qui prend des procédures judiciaires sans faire d'effort pour les faire avancer commet possiblement un abus

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les abus de procédure prennent toutes sortes de forme et se manifestent de plusieurs façons différentes. Il ne saurait donc être possible d'en faire une liste exhaustive. Reste que certains thèmes reviennent plus régulièrement que d'autres. Dans cette catégorie, on peut définitivement inclure les procédures déposées pour des fins purement stratégiques ou purement comme nuisance. L'affaire Facioli c. Durand (2014 QCCS 2978) discute d'un tel cas.


Dans cette affaire, les Demandeurs réclament des Défendeurs la somme de 285 000 $ pour atteinte à leur réputation. Ils allèguent qu'une lettre que ces derniers ont envoyé dans le cadre de discussions de règlement d'un autre dossier contenait des propos diffamatoires à leur égard. 
 
Or, les Demandeurs ont laissé passé le délai de 180 jours sans inscrire leur action pour enquête et audition. Après que les Défendeurs aient inscrits pour les frais, les Demandeurs présentent une requête pour être relevés du défaut. Les Défendeurs pour leur part demandent à la Cour de constater l'abus de la part des Demandeurs et les condamner au remboursement de leurs honoraires extrajudiciaires.
 
Saisie de ces requêtes, l'Honorable juge Marie-Anne Paquette n'hésite pas à déclarer les procédures des Demandeurs abusives. D'abord, elle est d'avis que celles-ci sont manifestement mal fondées, la lettre en litige ne contenant selon elle absolument rien de diffamatoire. Qui plus est, le comportement procédural des Demandeurs qui ne font rien pour faire progresser leur dossier démontre que ceux-ci n'avaient pas réellement l'intention de débattre de la question, mais simplement de conserver des procédures judiciaires pendantes contre les Défendeurs:
[14]        De l’avis du Tribunal, la présente procédure introductive d’instance tient clairement de l’abus.  
[15]        Elle est manifestement mal fondée. Par surcroît, il est clair que ce recours a été institué sans véritable intention de le faire progresser, mais dans le but de nuire aux défendeurs et les intimider. 
[16]        En effet, le recours se fonde sur la lettre du 16 septembre 2012, citée au paragraphe [10] du présent jugement. 
[17]        Premièrement, il s’agit d’une communication transmise sous toutes réserves, entre avocats au dossier, dans une tentative de régler le dossier en Cour du Québec. Le procureur des demandeurs n’a jamais été autorisé à déposer cette correspondance à la Cour. En invoquant cette lettre au soutien de leur recours en diffamation en Cour supérieure, les demandeurs vont à l’encontre de l’interdiction clairement mentionnée dans la lettre et agissent au mépris des garanties de confidentialité dont les négociations de règlement sont assorties.  
[18]        Cela est pour le moins douteux. 
[19]        Deuxièmement, le contenu de la lettre ne renferme aucun élément de diffamation. Cette lettre ne comporte ni propos, ni insinuations qui, pris isolément ou dans leur ensemble, déconsidèreraient la réputation des demandeurs aux yeux d’une personne raisonnable. 
[...]         
[23]         Troisièmement, tout porte à croire que les demandeurs ont intenté le présent recours de façon relativement désinvolte, sans avoir la véritable intention de le mener à terme. Il n’a vraisemblablement été déposé que dans le but de nuire aux défendeurs, de les intimider ou de les neutraliser.  
[24]        En effet, la Requête introductive d’instance était présentable le 15 octobre 2013. Or, seul l’avocat des défendeurs s’est présenté à la cour à cette date.  
[25]        Les défendeurs ont dû déposer une requête en rejet pour que le dossier revienne au rôle. À cette occasion, le 19 décembre 2013, les demandeurs se sont davantage affairés à demander une remise de l’audition de la requête en rejet et de la présentation de leur Requête introductive d’instance, sans se soucier de faire progresser le dossier.  
[26]        Les demandeurs ont filament déposé une requête pour être relevés du défaut d’inscrire le 6 juin 2014, trois mois après l’expiration du délai d’inscription et deux semaines après avoir été informés que les défendeurs avaient inscrit pour jugement pour les frais. 
[27]        Pendant 9 mois, soit du 5 septembre 2013 (date d’introduction de leur recours) au 6 juin 2014 (date de leur requête pour être relevés du défaut d’inscrire), les demandeurs n’ont fait aucune démarche pour faire progresser leur dossier vers une audition au fond. Cela se comprend fort bien. Ils ne recherchaient rien d’autre que la seule existence de cette poursuite, qui faisait planer au-dessus de la tête des demandeurs le spectre d’une condamnation de plus de 285 000 $. 
[28]        Tel que le Code de procédure civile l’y autorise en pareilles circonstances, le Tribunal, en plus de rejeter le recours des demandeurs, les condamnera donc conjointement et solidairement à payer aux défendeurs les frais et honoraires judiciaires que ces derniers ont dû encourir pour se défendre contre ce recours abusif. À ce jour, ceux-ci s’élèvent à 2 532,86 $.
Référence : [2014] ABD 253

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